Rigueur et croissance ne font pas bon ménage en temps de crise financière

La rigueur adoptée par plusieurs pays de la zone euro pourrait compromettre le retour à la croissance dans l’Union européenne. Selon les chiffres publiés par Eurostat, l'office européen des statistiques, la zone euro a enregistré une hausse de seulement 0.2% de son PIB (Produit intérieur brut) au premier trimestre 2010, après une stagnation au trimestre précédent. Une croissance trop molle pour absorber les dettes publiques.  

La priorité pour les pays européens était d'éteindre le feu qui menaçait d'embraser les marchés. En annonçant un méga plan de soutien de 750 milliards d'euros, provenant de la BCE (Banque centrale européenne) et du FMI (Fonds monétaire international) les Etats ont écarté le risque d'une éventuelle cessation de paiement. Mais la crise n'est pas pour autant réglée, et les pays restent confrontés au problème des déficits publics, qu'ils tentent de réduire coûte que coûte.

Pour ne pas subir le même sort que la Grèce, de nombreux pays de la zone euro se préparent à une cure d'austérité et annoncent des mesures budgétaires drastiques : gel des salaires dans la fonction publique, diminution des prestations sociales ou encore hausse des impôts. Mercredi 11 mai, c’était au tour de l’Espagne de présenter son plan de rigueur.

Zapatero a annoncé 65 milliards d’euros d’économie

José Luis Zapatero, chef du gouvernement espagnol, a annoncé 65 milliards d'euros d'économie sur trois ans. Les fonctionnaires espagnols vont devoir se serrer la ceinture. L'Etat va baisser leur salaire de 5% avant de les geler en 2011. Et dès l'année prochaine, les pensions des retraités ne seront pas revalorisées. Autre mesure choc : la suppression à partir de 2011, de l’aide de 2 500 euros à la naissance. C’était pourtant l’une des mesures phares adoptées en 2007 pour relancer la natalité.

Ces mesures ne seront pas sans conséquences sociales et des experts s'interrogent sur leur pertinence. Pour Philippe Sabucco de BNP Paribas, spécialiste des pays d'Europe du Sud, c'est surtout une réponse destinée aux marchés afin de rassurer les investisseurs.

Il semble qu'aujourd'hui aucun pays européen ne soit à l'abri. Même des pays jugés «solides financièrement» ont dû réduire la voilure. C'est le cas de la Finlande, du Danemark ou encore du Luxembourg qui eux aussi ont décidé de se mettre à la diète budgétaire. Toujours avec les mêmes recettes : gel des salaires des fonctionnaires pour les trois prochaines années, et hausse des impôts.

Des mois difficiles en perspective

Le gouvernement français est sur la même ligne, même si le Premier ministre François Fillon refuse de parler de rigueur. Lors du dernier sommet social, qui s’est tenu lundi 10 mai, Nicolas Sarkozy a annoncé des coupes budgétaires comme la suppression de la prime de 150 euros pour les plus démunis, la fin des aides pour les services à la personne, l'annulation des remises d'impôt pour les plus défavorisés ou encore l'abandon des exonérations de charges sociales pour les petites entreprises qui embauchent. Le gouvernement français doit trouver 95 milliards d'euros et faire passer son déficit public de 8 à 5%.

Les pays doivent jongler entre austérité et nécessité de relancer l'économie, afin de sortir de la crise. L’équilibre est périlleux. Pour le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, comme pour la grande majorité des dirigeants européens, l'objectif est de respecter ce qu'on appelle le pacte de stabilité, a savoir les traités qui imposent un déficit ne dépassant pas 3% du produit intérieur brut et un endettement inférieur à 60% du PIB.

Un risque de récession

Ils estiment que ces mesures de rigueur ne mettent pas en danger la reprise de la croissance. Ce n'est pas l'avis de tous les experts. Alexander Law, chef économiste au cabinet d’études Xerfi, considère que résorber en priorité la dette est une vision à long terme. Mais les années qui viennent risquent d’être difficiles. Eric Heyer, directeur adjoint du département analyse et prévision à l'Observatoire français des conjonctures économiques va encore plus loin. Il craint un risque de récession.

Pour éviter à l'avenir des dérapages financiers la Commission européenne souhaite accentuer la pression sur les Etats. Dans les propositions présentées mercredi 12 mai, Bruxelles suggère de contrôler les comptes publics des Etats membres, avant même, que ces derniers ne votent leur budget. Idée, rejetée par les pays européens qui ne veulent pas perdre leur souveraineté.

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