Les élections philippines du 10 mai 2010 pourraient entrer dans l’histoire. Pas tellement du fait de la montée au pouvoir de tel ou tel candidat, mais par l’impressionnante rapidité et transparence de l’annonce des résultats. A minuit, lundi soir10 mai, José Melo, le directeur de la Commission des élections (Comelec), a annoncé les résultats partiels, fournis par environ 57% des votes. Ce qui constitue en soi une révolution pour un pays qui est habitué à de longues semaines d’attente, un délai propice aux manipulations : lors des précédentes élections nationales de 2004, les Philippins avaient dû attendre plus d’un mois avant de connaître le nom de la nouvelle présidente, Gloria Arroyo, pour apprendre, un an après, qu’elle avait alors eu le temps d’appeler le directeur de la Comelec pour prétendument négocier l’achat d’un million de voix en sa faveur.
Le procédé de comptage et de transmission électroniques mis en place cette année, pour la première fois aux Philippines, semble avoir fait la différence. « Dans toutes les élections, le temps joue contre la transparence, car plus on retarde la publication des résultats, et plus on laisse de temps aux candidats pour tricher », analyse Ramon Casiple, directeur de l’Institut pour la réforme politique et électorale, qui se dit « satisfait » de cette journée de vote.
Une mobilisation sans commune mesure
Cependant, l’organisation du vote, qui renouvelait 18 000 postes le même jour, depuis les maires et gouverneurs jusqu’aux députés et président, n’a pas été des plus ordonnées : l’exceptionnelle participation, de 75% des 50 millions d’électeurs philippins, a fait naitre des files d’attente de plusieurs heures à l’extérieur des bureaux. Dans cette cohue, des milliers d’électeurs n’ont pas trouvé leur nom sur des listes mal établies. Plusieurs organisations de surveillance des votes accusent à présent la Comelec de négligence, et affirment que de tels défauts sont difficilement justifiables avec un budget total de 270 millions d’euros attribué pour ces élections.
Une élection marquée par la violence
Les violences n’ont pas non plus cessé lors de cette élection : 15 personnes ont été tuées entre dimanche soir et lundi, lors d’affrontements entre des clans politiques rivaux, ce qui porte le chiffre à environ 100 personnes assassinées dans le cadre de ces élections depuis le dépôt des candidatures en novembre dernier. Certaines attaques ont également été dirigées contre les électeurs : deux personnes qui attendaient pour voter dans la province de Lanao del Sur, sur l’île de Mindanao, ont été tuées dans une attaque aveugle à l’arme automatique, visant à dissuader les citoyens. Cela a en partie fonctionné car la Comelec a dû déclarer l’échec des élections dans sept villages de cette province à cause de l’absence des inspecteurs.
La présidence, une affaire de famille
Selon les premières estimations, Benigno Aquino III pourrait devenir le prochain président philippin. Le message envoyé par les électeurs est clair, comme l’affirme Lowie Villafranca, 38 ans, qui vient de voter pour lui : « Nous voulons un gouvernement honnête et transparent. Nous en avons assez des politiciens corrompus » ! « Noynoy » Aquino, fils de l’ancienne présidente Corazon Aquino, a profité de l’énorme capital de sympathie et de l’image d’honnêteté portée par sa mère pour dominer la campagne. Il a attiré le nombreux électorat jeune et idéaliste en promettant de « faire cesser la corruption pour mettre fin à la pauvreté ». S’il est proclamé président, ce sénateur de 50 ans, fils prodigue de deux héros modernes du pays, mais dont les réalisations politiques sont jusqu’à présent maigres, devra trouver les moyens de ne pas décevoir ces aspirations naissantes au changement.