« J’ai toujours dit que si nous avons le courage pour un changement, nous pouvons l’apporter. Et nous l’avons fait », clamait un certain Tony Blair lors de sa victoire, le 1er mai 1997. A l’époque, celui qui allait devenir Premier ministre portait l’étendard du New Labour et proposait une troisième voie, une politique entre un conservatisme trop libéral et un socialisme qu’il jugeait sclérosé. Les électeurs espéraient alors que la victoire des travaillistes signifierait la fin des réformes brutales, de l’austérité budgétaire et du libéralisme. « Les Britanniques sortaient d’une longue domination conservatrice », constate Philippe Marlière, maître de conférences en science politique à l'University College of London, le pays était dans une très mauvaise passe avec une livre sterling en crise. Le leader travailliste avait été élu avec un programme prévoyant plus de justice sociale. Donc, les travaillistes étaient porteurs d’un grand espoir. »
« Nous n’avons pas peur du capitalisme »
Or, très vite, le discours du Labour change : « Nous n’avons pas peur du capitalisme, nous sommes le parti des entreprises ». C’est cela, le nouveau credo du parti qui cherche la proximité avec le lobby bancaire. « Sous Tony Blair et sous Gordon Brown aussi, les inégalités se sont accrues, selon l’analyste Philippe Marlière. Les travaillistes sont devenus le parti de la City avec les conséquences qu’on connaît : la grave débâcle des marchés financiers avec une City de Londres comme plaque tournante de la finance internationale. C’est quand même ce gouvernement qui a tout fait sur le plan européen pour qu’il n’y ait pas d’avantage de régulation des marchés financiers ».
Les électeurs qui attendaient une société plus fraternelle sont restés sur leur faim. Aujourd’hui encore, le Royaume-Uni est l’un des pays de l’Europe de l’Ouest les plus marqués par l’inégalité sociale. Même si le gouvernement travailliste a pansé quelques plaies laissées par les conservateurs. Un exemple : la fonction publique. Lors de leur arrivée au pouvoir, les travaillistes avaient promis de remettre à flot les services publics. Promesse tenue, car aujourd’hui, la majorité des Britanniques juge que les services publics fonctionnent mieux qu’il y a 13 ans. 2,3 millions d’emplois ont été créés, dont 200 000 dans le secteur de la santé.
Les dépenses dans le secteur de la santé ont augmenté
Depuis 1997, le Royaume-Uni a augmenté de 6% à 9% ses dépenses pour la santé, avec une conséquence néfaste tout de même : aujourd’hui, la dette publique est importante, avec 60% du Produit intérieur brut (PIB). Le déficit budgétaire, lui, s’affiche à près de 13% du PIB. De plus, la consommation est en panne. Mais si on en croit le professeur d’économie Stéphane Colignon, tout aurait pu bien se passer, si la crise n’avait pas changé la donne : « Jusqu’à ce moment-là, le bilan était extrêmement positif. L’Angleterre avait réussi une croissance soutenue pendant dix ans. Or, il est vrai que la dynamique économique était basée sur le secteur bancaire, ce qui fait que la Grande-Bretagne était particulièrement touchée par la crise. »
Aujourd’hui, la relance de l’économie est l’un des principaux sujets de la campagne
pour les législatives du 6 mai. En revanche, un autre sujet est passé presque inaperçu : c'est la politique étrangère. C’est presque tant mieux, car là aussi, le bilan des travaillistes est mitigé. S'il y a un sujet qui a dominé la diplomatie, c'est l'Irak. En 2003, le gouvernement de Tony Blair se lançait sans hésitation dans la guerre, fidèle partenaire aux côtés des Américains au point que Tony Blair s’est fait traiter de « caniche » du président américain George W. Bush. Aujourd’hui, cette guerre est largement contestée au sein de la population. Selon le maître de conférences au University College of London Philippe Marlière, l’engagement britannique est jugé comme un « fiasco total » en Grande-Bretagne.
Mais il déplore également la politique européenne, trop peu enthousiaste à son égard : « Tony Blair avait été élu en disant ‘nous ne serons plus à la remorque de l’Europe, nous allons occuper une place centrale au sein de l’Europe’. Mais finalement, on a vu une offensive non pas pour une Europe sociale comme on l’appelle en France, mais une Europe des marchés, pro-américaine. Je crois que les continentaux, les Français et les Allemands, peuvent plutôt déplorer cette offensive. »
Aujourd’hui, rien n'indique un changement de cap, même sous un autre gouvernement.
La liste des principaux partis en lice pour les élections, source BBCNews.