L'accord négocié par l'Union européenne et le Fonds monétaire international pour sauver la Grèce conclu dimanche 2 mai 2010 prévoit un soutien de 110 milliards d'euros sur trois ans. Pour les Grecs, la cure d'austérité va redoubler.
Ce plan n'a pas provoqué l'euphorie sur les marchés. Il suscite plutôt l'inquiétude des investisseurs, comme l'explique l'économiste Marc Touati de Global Equities :
« Ce que l’on a oublié comme d’habitude dans la zone euro, c’est qu'il était important de soutenir la Grèce mais que le plus important pour sortir de la crise, c’est de restaurer la croissance économique de la Grèce. Or là, on va faire exactement le contraire. C’est ce qui continue d’inquiéter.
Et puis, parallèlement, les mesures qui sont annoncées par la Grèce ne sont pas forcément parfaites. Si on prend l’exemple du taux de TVA qui augmente, il faut savoir que le n° 1 de la Grèce c’est l’économie parallèle, donc si le taux de TVA augmente encore, il va passer de 21 à 23 %, cela risque d’augmenter encore l’économie parallèle, donc on aura rien gagné.
Donc c’est cela qui continue malheureusement d’inquiéter au niveau des investisseurs et, on le voit, les taux d’intérêts à long terme ont certes baissés sur la Grèce mais très faiblement, ce qui veut dire qu’il y a toujours cette suspicion qui règne sur les marchés boursiers. Par contre, là, ce qui compte avant tout c’est l’économie américaine, l’économie mondiale donc c’est d’ailleurs ce qui est un peu triste, la Grèce passe après.
C’est ça aujourd’hui la difficulté : on va dans le bons sens, on a calmé le jeu, mais il y a encore beaucoup de pain sur la planche et donc c’est ce qui inquiète les marchés ».
Mesures injustes pour les salariés, selon les syndicats européens
La Confédération européenne des syndicats (CES) par la voix de son secrétaire général John Monks, n'approuve pas le plan de rigueur que l'UE et le FMI imposent à la Grèce. Elle craint que la contagion ne gagne l'Espagne et le Portugal, partout avec les mêmes victimes : le monde des salariés. C'est pour cette raison que la CES ira manifester mercredi 5 mai 2010 à Athènes aux côtés de salariés grecs.
Joël Décaillon, secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats :
« Le plan proposé de 110 milliards d’aide, effectivement est une aide financière, sauf que les mesures préconisées sont les vieilles mesures qu’a prises le FMI pendant des années dans des pays comme l’Afrique et l’Asie, et conduisent essentiellement à la régression sociale. Et ce sont les travailleurs qui vont payer une note absolument exorbitante qui va se régler sur des dizaines d’années, on n’est même pas sûrs qu’ils arriveront à la régler. Si les marchés financiers continuent à être aussi puissants, on va être dans une situation extrêmement difficile en Espagne et au Portugal.
Les syndicats européens seront présents à Athènes ; le 5 ont a demandé à tous nos adhérents de déposer des motions de refus que ce soient les salariés qui payent la crise dans toutes les représentations permanentes de l’union européenne dans les différents pays. Et le 4 c'est-à-dire demain, John Monks et une délégation des syndicats grecs, espagnols, portugais et belges rencontrent les présidents du conseil Van Ronpoy pour leur faire part, de nos inquiétudes ».
Modifier le fonctionnement du Pacte de stabilité
Comment éviter à l'avenir la dérive d'un membre de la zone euro, de nature à mettre l'ensemble en péril ? Des voix s'élèvent en Allemagne, aux Pays-Bas et en France pour souhaiter une réforme du Pacte de stabilité. Cet accord maintient, théoriquement, les déficits budgétaires à 3% du PIB et la dette publique à 60% du PIB considérés comme les limites acceptables.
A l'évidence, pour ce qui concerne la Grèce, le mécanisme d'alerte a été défaillant. La chancelière allemande, Angela Merkel, soutient un discours de fermeté et réclame la transformation du Pacte de stabilité de telle manière qu'il ne puisse pas être contourné.
Même rappel à l'ordre du côté néerlandais. Le ministre des Finances exige de nouveaux accords, beaucoup plus stricts.
C'est une tout autre tonalité que celle de la France qui par la voix de Christine Lagarde se prononce pour la prise en compte d'autres éléments que les critères portant strictement sur les finances publiques. Elle suggère d'inclure dans le radar des Européens la compétitivité économique, qui n'a cessé de se creuser entre la Grèce et l’Allemagne sans être prise en compte.
Christine Lagarde estime qu'il faut modifier le fonctionnement du Pacte de stabilité européen en y incluant « l'examen de la compétitivité et de la stabilité financière » des pays concernés, dans une interview lundi 3 mai 2010 au journal Le Monde. Selon la ministre française de l'Economie, l'Allemagne et la France sont « parfaitement d'accord pour tirer ensemble » les leçons de la crise grecque.
Christine Lagarde veut «contrôler plus» les agences de notation
La ministre française de l’Economie, Christine Lagarde, a affirmé lundi 3 mai 2010 sur l'antenne de nos confrères d'Europe 1 sa volonté de « contrôler plus » les agences de notation. Elle met en cause le rôle que les trois grandes agences, Standard & Poor's, Moody's et Fitch, ont joué dans la crise grecque. Ces trois agences ont déjà fait l'objet de vives critiques de la part de la Commission européenne et du patron du FMI, Dominique Strauss-Khan, qui a même recommandé de ne pas « trop croire les agences ».
La semaine dernière Standar & Poor's a dégradé les notes de solvabilité de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal, faisant plonger les marchés financiers. Une situation que Christine Lagarde veut absolument éviter :
« Il faut bien sûr les contrôler plus, s’assurer qu’elles respectent les règles ; je vous rappelle que maintenant nous - les Européens - avons conclu et adopté une directive qui va être mise en œuvre à compter du 7 juin et que moi je vais publier dans les tous prochains jours, des documents suffisants pour autoriser l’Autorité des marchés financiers, espèce de gendarme de la bourse, à contrôler les agences de notation et à vérifier en particulier qu’elles respectent des règles déontologiques sur les conflits d’intérêts, sur la modélisation, sur la séparation entre les titres à risques et les titres à moindres risques... »