Les forces de l’ordre se sont-elles laissées emporter par la violence ce week-end ? Vingt et un morts dont le chef d’état-major de la région du nord-ouest et près de 900 blessés, le gouvernement évoque pour se justifier la piste de terroristes glissés dans la foule des « rouges ». Argument un peu court et de dernier recours qui est loin de convaincre l’opinion. L’armée a demandé, lundi 11 avril, aux responsables politiques du royaume de trouver une solution à la crise car de l’aveu même du chef d’état-major, il n’y aurait d’issue que dans les urnes et dans la tenue d’élections législatives anticipées.
Les militaires ont-ils mauvaise conscience ? Certains à n’en pas douter ont vu ressortir de la bouteille le « mauvais génie » de 2006, sans pouvoir le maîtriser. Il y a cinq ans en effet, l’armée chassait Thaksin Shinawatra du pouvoir. Depuis, les partisans de l’ancien Premier ministre sont dans la rue et réclament son retour. « L’armée est en difficulté car elle a pris conscience qu’elle avait commis l’irréparable en 2006 » explique Stéphane Dovert, spécialiste de l’Asie du Sud-Est et auteur de Thaïlande contemporaine aux éditions l’Harmattan.
Ils ont conscience d'avoir commis une erreur
En 1992 avec le Parti démocrate de l’actuel Premier ministre Abhisit Veijjajiva, puis de 2001 à 2006 sous le gouvernement de Thaksin Shinawatra, la Thaïlande s’est dotée d’institutions stables et démocratiques. Une première en 60 ans ! « L’armée a sapé ces institutions démocratiques, poursuit le fondateur de l’Institut de Recherches sur l’Asie du Sud-Est. Vu que de nombreux gradés thaïlandais ont fait d’excellentes études parfois à l’étranger, ils ont conscience d’avoir commis une erreur. Aujourd’hui l’armée ne sait plus vraiment quoi faire. Elle peut reprendre le pouvoir mais ce n’est jamais une solution ».
Proches du gouvernement actuel, ennemis viscéraux de Thaksin, les généraux semblent toutefois prendre leur distance avec un Premier ministre en perte de vitesse. Les militaires sont pourtant loin de vouloir rentrer dans leur caserne. Depuis 1932, l’armée est à l’origine de 18 coups d’État en Thaïlande.