Cuba intransigeante face au gréviste de la faim Guillermo Fariñas

A Cuba, le cyber dissident Guillermo Fariñas poursuit sa grève de la faim depuis plus de 44 jours, en solidarité à la mort en détention du prisonnier d'opinion Orlando Zapata Tamayo, décédé le 23 février dernier après 85 jours de grève de la faim. Celui-ci demandait de meilleures conditions de détention pour 26 prisonniers politiques malades et maltraités.

Guillermo Fariñas veut « aller jusqu'au bout »

Guillermo Fariñas, âgé de 48 ans, est déterminé. Il réclame la libération des 26 prisonniers politiques les plus malades, pour des raisons humanitaires. Il y aura d'autres grévistes de la faim qui prendront la relève selon lui.

 Le régime de Raúl Castro inflexible

Raúl Castro qui considère qu'il n'y a aucun prisonnier politique à Cuba, mais uniquement des délinquants de droit commun, a même affirmé dimanche dernier lors d'un discours à la convention de l'Union de la jeunesse communiste qu'il préférait que le pays disparaisse plutôt que de céder à ce qu'il considère comme un chantage orchestré par « des délinquants et leurs complices impérialistes » . Raúl Castro a déclaré : « S'il ne modifie pas son attitude autodestructrice, il sera responsable, avec ceux qui le soutiennent, d'un dénouement que nous ne souhaitons pas. »

La répression s’accentue sur les journalistes et les dissidents

La situation d'intransigeance des autorités vis-à-vis des grévistes de la faim inquiète les organisations internationales et des droits de l'homme, c'est pour cette raison que Reporters Sans Frontières a organisé mercredi 7 avril 2010 une conférence de presse.
RSF appelle la communauté internationale à réagir et à adopter des positions fermes envers Cuba, 7 ans après le printemps noir de 2003, lorsque 75 dissidents avaient été condamnés à des peines allant de 12 à 30 ans de prison. RSF rappelle que cela fait deux ans que Raúl Castro a pris les rennes du pouvoir avec quelques signes d’ouverture, mais aujourd’hui, on assiste plutôt à un durcissement de ses positions.

 Cuba, la troisième prison du monde pour les journalistes

RSF estime qu'il y aurait environ 200 dissidents emprisonnés sur l'île, dont 25 journalistes, ce qui fait de Cuba la troisième prison au monde pour les journalistes après la Chine et l'Iran. Parmi ces journalistes figure le correspondant de RSF à Cuba, Ricardo Gonzalez Alfonso, emprisonné depuis le « printemps noir » de 2003, hospitalisé à plusieurs reprises et qui figure parmi les 26 prisonniers dont l’état de santé se dégrade.
Dans le passé, d’autres prisonniers ont fait des grèves de la faim, mais elles n'ont pas autant été relayées par les médias que celle, tragique, d’Orlando Zapata Tamayo ou celle de Guillermo Fariñas.
Aucune de ces grèves de la faim n'a débouché sur des libérations.

Témoignage d’un journaliste libéré en 2008 et transféré vers l’Espagne

Le journaliste indépendant Alejandro Gonzalez Raga a fait partie de la vague des 75 dissidents arrêtés en 2003. Il a été libéré avec trois autres prisonniers en 2008 vers l'Espagne, à la suite de tractations politiques entre Cuba et l'Espagne. Il vient de publier un livre sous le titre Passion, prison, exhumation sur ses cinq années passées en prison. Alejandro Gonzalez Raga vient de témoigner auprès du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Manfred Nowak, des conditions de détention dans les prisons cubaines.
« Il y a eu des prisonniers qui sont arrivés en vie et ressortis morts. Certains ont été battus à mort par les gardiens, ce sont des exécutions extra-judiciaires, il y a eu plusieurs cas. C'est pour cela qu'on ne laissera jamais rentrer un journaliste faire un reportage dans une prison cubaine. Les seuls journalistes qui rentrent dans des prisons à Cuba, ce sont des journalistes eux-mêmes condamnés à une peine de prison. Même la Croix-Rouge n’a pas accès aux prisons cubaines. Le rapporteur spécial Manfred Nowak attend depuis deux ans une autorisation des autorités cubaine, pour l’instant sans suite. »

« Le gouvernement cubain est en crise »

Selon l’écrivain cubain résidant en France Jacobo Machover, le président Raúl Castro révèle aujourd’hui son vrai visage et l’opinion politique mondiale vacille à propos de Cuba. La société civile montre des signes de protestation dans l’île.
Jacobo Machover appelle l’Union européenne et notamment l’Espagne qui en assure la présidence tournante jusqu’en juillet prochain à adopter une position plus ferme vis-à-vis du régime cubain. En outre, il critique fortement l'attitude du Brésil. Le président Ignacio Lula da Silva était présent à Cuba lorsqu’Orlando Zapata Tamayo est mort : il n’a pourtant pas dénoncé les faits.

 « Guillermo Fariñas plus utile vivant que mort »

L'écrivain cubaine Zoé Valdés, exilée depuis quinze ans en France, espère que le geste de Guillermo Fariñas ne lui sera pas fatal.
« La logique du gouvernement était "la patrie ou la mort". Il faut créer une autre logique, celle de la "liberté et la vie". Guillermo Fariñas et d’autres démocrates cubains, comme Darsi Ferrer, le médecin détenu qui est lui aussi en grève de la faim, doivent vivre. Car ils doivent à l’avenir être les protagonistes de ce changement. On ne peut pas continuer à avoir des martyrs. On a eu beaucoup de martyrs, on a eu beaucoup de morts, il faut en finir avec cela. »

L’intransigeance de Raúl Castro d’un côté et la détermination de Guillermo Fariñas à aller jusqu’au bout de sa grève de la faim de l’autre, ont amené des dissidents cubains à proposer d’organiser un référendum populaire sur la libération des prisonniers politiques pour tenter de sortir de l’impasse. Guillermo Fariñas a annoncé jeudi qu’il pourrait mettre un terme à sa grève de la faim si Raul Castro convoquait ce référendum, sans trop y croire…

Les autorités cubaines ont de leur côté appelé jeudi à une manifestation massive pour le 1er mai , « contre la croisade que mènent les Etats-Unis et l’Union européenne qui tentent de diaboliser et de déstabiliser le régime cubain en soutenant des grèves de la faim menées par des opposants ».
 

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