Au Pakistan, les attaques talibanes n’entament pas la détermination des autorités

La Maison Blanche a condamné les attaques qui se sont produites dans le nord-ouest du Pakistan lundi 5 avril 2010, l’une contre le consulat américain de Peshawar, l’autre contre le Parti National Awami (ANP) dans le district de Lower Dir. Le porte-parole Robert Gibbs a condamné ces violences et affirmé que jusque là, ce type d’attaques n’avait fait que conforter les autorités pakistanaises dans leur détermination à lutter contre les insurgés. Ce même jour, à Islamabad, le président Zardari qui appelait les parlementaires à voter le projet de réforme constitutionnel, réaffirmait également son engagement à poursuite le combat contre le terrorisme jusqu’au bout.

Paradoxalement, cette nouvelle flambée de violence intervient alors que les autorités pakistanaises peuvent se réjouir d’un certain nombre d’avancées politiques. Les parlementaires sont en effet sur le point de voter à une large majorité en faveur d’un projet de réforme constitutionnel qui recueille un large assentiment. Le texte actuel amendé permettrait en fait de revenir à un texte de loi fondamentale proche de la constitution de 1973, avant les modifications apportées notamment du temps de la dictature militaire.
La future constitution accordera plus de pouvoirs réels au Premier ministre, tandis que le président Asif Ali Zardari –très controversé pour son implication dans nombre d’affaires de corruption- sera mis sur la touche. Elle devrait également redéfinir les pouvoirs dévolus aux gouvernements provinciaux, qui gagneraient en autonomie vis-à-vis du pouvoir central.

Carnage dans le Lower Dir, l’ANP une nouvelle fois visé

Parmi les mesures qui découlent de cette réforme, le changement de nom de la Province Frontière du Nord-Ouest. Elle s’appellera désormais le Khyber Pashtounkhwa, (ce qui signifie en ourdou la province des pashtounes, sur le versant Pakistanais). C’est une très ancienne revendication de l’ANP. C’était hier, l’occasion de réjouissances, et c’est au son des danses et des percussions qu’un kamikaze est venu se faire exploser, faisant quarante morts au moins et des dizaines de blessés graves. La scène se déroulait à Timargara, une localité du district de Lower Dir, au nord de Peshawar, et à l’ouest de la vallée de Swat. Sadar Hussain Babak, membre du comité exécutif du parti national Awami et membre du gouvernement provincial, revient sur les circonstances de cet attentat meurtrier :

Le symbole est d’autant plus fort, que les tractations ont été laborieuses pour y arriver, car certains districts ne sont pas peuplés de pashtounes, précise Mariam Abou Zahab, professeur à l’INALCO et chercheur associé au Ceri, spécialiste du Pakistan. Mais l’ANP a fini par obtenir satisfaction sur ce thème, étant devenu un allié important du parti au pouvoir. Le Parti nationaliste pashtoune, dit « laïc » est en effet devenu majoritaire dans la région lors des élections de février 2008.

Zone à haut risque et enjeu stratégique

Le fait que l’ANP soit visé ce jour-là n’est pas anodin. Le Parti nationaliste pashtoune est parti en croisade contre ceux que l’on désigne au Pakistan du nom de « militants », et que Sadar Hussain Babak désigne comme des « enthousiastes religieux ». Un euphémisme. Des « enthousiastes » d’une violence inouïe du fait de l’enjeu stratégique que représente la région, en particulier la passe de Khyber, voie de communication entre l’Afghanistan et le Pakistan, reliant Peshawar à Jalalabad. Joint au téléphone quelques heures après l’attentat, Hussein Babak déplore le bain de sang mais ne montre aucun étonnement :

De fait, notre interlocuteur pakistanais considère que le changement est en marche et que les attentats ne contribueront pas à faire pencher les populations locales dans le camp des insurgés, bien au contraire. Un sentiment que confirme la chercheuse Mariam Abou Zahab, au retour d’un séjour sur le terrain, où elle a pu constater qu’à Peshawar et dans d’autres localités de la province, l’atmosphère était ces derniers jours beaucoup plus détendue qu’il y a quelques mois, du fait des résultats engrangés par l’armée nationale pakistanaise dans les zones tribales.
 

Partager :