La « chancelière de fer » s’impose à Bruxelles

Après une ultime rencontre entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, jeudi 25 mars 2010, l’Europe apporte enfin une réponse à la Grèce : un plan d’aide financé par la zone euro et le Fonds monétaire international. Le recours au FMI était une condition allemande ; Angela Merkel l’a imposée à ses partenaires réticents. Pour beaucoup, l’accord de Bruxelles est donc une victoire de Berlin.

« Helmut Schmidt écrit dans ses Mémoires que dans les années 80, un chancelier allemand finissait toujours par céder aux demandes de la France. Cela n’est plus vrai . La preuve par Angela Merkel », constate Jacques-Pierre Gougeon, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Dans la crise grecque, la chancelière n’a jamais lâché. Elle a dit « non » plusieurs fois, souvent au nom de l’intérêt national. « Madame Nein », la « Chancelière de fer »… La presse de son pays commente, pour admirer ou critiquer, la « victoire » d’Angela Merkel.

Face à la Grèce, à la France, face à tous ses partenaires, la chancelière a joué son rôle de « femme la plus puissante du monde » (classement Forbes). Puissante, car chef de la première économie d’Europe, contributrice à 20% du budget de l’UE.

Mais Frau Merkel n’est pas si libre que son intransigeance le suggère. Elle se sait très observée chez elle, notamment en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, où des élections sont programmées début mai. Elle pense aussi au futur de son gouvernement, une coalition entre la CDU/CSU et les libéraux du FDP. « Les libéraux sont très durs sur l’aspect déficit public, retour à l’équilibre du budget fédéral… et Angela Merkel veut leur donner des gages », analyse Jacques-Pierre Gougeon.

« Que les pêcheurs se repentissent »

Des « gages », c’est-à-dire l’assurance, comme elle le répète depuis des mois, que le contribuable allemand ne paiera pas pour le cancre de l’Eurogroupe, la Grèce. Un tiers des Allemands seraient même prêts à expulser Athènes de la zone euro en guise de punition. Angela Merkel a évoqué l’idée, sans aller plus loin.

« La chancelière tente de maintenir un euro stable et insiste pour que chacun respecte les règles à son niveau », explique l’eurodéputé Elmar Brok (CDU). « Pour elle, une solution n’est possible que si les pécheurs se repentissent, qu’ils soient punis d’une façon juste avant de les autoriser à réintégrer la communauté. »

Après des semaines d’âpres négociations, la Grèce a retenu la leçon. « Merkel a gagné contre toute attente – contre Sarkozy et contre la Commission européenne », écrit Josef Joffe dans l’hebdomadaire Die Zeit. « Ce jeu de pouvoir (…) met en garde les [Etats] dépensiers qui doivent faire leurs devoirs et s’imposer une discipline fiscale plutôt que de compter sur l’Europe pour continuer comme ils en ont l’habitude. »

Victoire fragile pour la « Reine des sommets »

L’accord sur la Grèce est le dernier exemple d’une série de sommets où la chancelière a imposé ses vues : le plan de relance économique européen, le plan sur l’automobile, le changement climatique… Autant d’épisodes qui lui ont valu le surnom de « Reine des sommets » pendant son premier mandat.
Mais sa ligne dure sur la Grèce pourrait la pénaliser lors des rendez-vous futurs. « La chancelière de fer a peut-être remporté une victoire mais pour ce faire, il y a eu beaucoup de casse », estime Handelsblatt. Le quotidien économique se demande où Berlin trouvera des soutiens pour décrocher la présidence de la Banque centrale européenne (BCE) en 2011.

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