La presse allemande en général estime que Berlin a plutôt imposé ses vues auprès de ses voisins. En les convaincant tout d’abord, à commencer par Paris, qu’un recours au Fonds monétaire international pour secourir Athènes était envisageable. Une option rejetée par certains estimant que les Européens devaient d’abord régler leurs problèmes entre eux. D’où aussi l’idée émise de créer un Fonds monétaire européen pour des crises futures. Une idée lancée notamment par le ministre des Finances d’Angela Merkel qui avait brusqué la chancelière dont l’enthousiasme était des plus timoré. Wolfgang Schäuble ne voulait au départ rien savoir d’une intervention du FMI mais a finalement mis de l’eau dans sa bière et accepté que dans ce cas d’espèce un recours soit envisageable.
Payer pour les « cigales » grecques
Ce dont on ne voulait pas non plus à Berlin c’est par ailleurs de mesures de l’ensemble de l’UE en faveur d’Athènes. En Allemagne, le sentiment ambiant très répandu est que les Grecs doivent d’abord faire le ménage chez eux et mettre leurs comptes au clair. La première économie européenne n’est visiblement pas prête à payer pour les « cigales » grecques.
Angela Merkel sait à quel point une telle mesure est impopulaire. Son parti, et sa coalition chrétienne-démocrate/libérale, atteint des profondeurs dans les sondages à deux mois d’une élection régionale centrale. Ce n’est donc pas le moment de heurter des électeurs déjà peu amènes avec leur gouvernement.
Berlin craint une solution qui, à terme, traduirait au niveau européen le système prévalant entre les différentes régions allemandes, les plus riches soutenant les plus pauvres et leur venant en aide lorsque leurs finances atteignent une situation dramatique.
Pour justifier ce que d’autres pays européens pourraient considérer comme de l’égoïsme, Berlin évoque les contraintes juridiques. Un soutien global de l’Union européenne à un pays serait contraire aux traités régissant l’UE d’où l’alternative consistant en des aides bilatérales. Berlin se ferait ensuite taper sur les doigts par le tribunal constitutionnel de Karlsruhe en aidant Athènes.
L'Europe avant tout
Mais ces arguments juridiques ne peuvent pas faire oublier une évolution de la politique européenne de l’Allemagne. A son arrivée au pouvoir en 2005, Angela Merkel avait sauvé un sommet européen en renonçant à une centaine de millions d’euros au profit de la Pologne. La nouvelle chancelière était en cela fidèle à une position longtemps adoptée par son père en politique à savoir Helmut Kohl : l’Allemagne mettait en avant l’Europe au détriment de ses intérêts nationaux et financiers.
L’idée émise ces derniers temps dans la classe politique allemande et prônant le cas échéant l’exclusion d’un membre de la zone euro montre bien que Berlin n’est plus prêt à tout accepter au profit de l’Europe. Le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine parle ce mercredi 24 mars 2010 d’une politique « non sentimentale et soucieuse avant tout d’affirmer ses intérêts ». L’Allemagne comme déjà avec le prédécesseur d’Angela Merkel, le social-démocrate Gerhard Schröder, ne se conduit plus comme un pays avant tout européen mais comme une nation parmi d’autres défendant d’abord ses intérêts.
Les critiques émises par d’autres pays contre l’Allemagne, à commencer par la France, contre le champion des exportations dont les performances handicaperaient ses voisins sont tout aussi peu partagées à Berlin que les attaques sur l’attitude à avoir dans le dossier grec. L’offensive lancée cette semaine par le ministre de l’Economie, le libéral Rainer Brüderle, pour développer les exportations allemandes sera certainement considérée comme une provocation par certains voisins. La ministre française des Finances Christine Lagarde qui sera mercredi prochain, le 31 mars, le premier membre du gouvernement français à participer à un Conseil des ministres allemand pourra redire à son collègue de visu les critiques déjà formulées contre le modèle allemand jugé trop centré sur l’exportation au détriment de la demande intérieure. Alors que les salaires ont augmenté d’environ 20% en Europe depuis 2000, leur hausse a été d’à peine 3% en Allemagne ce qui a renforcé la compétitivité des entreprises germaniques à l’exportation. Le ministre de l’Economie allemande ne s’est pas laissé impressionner par les attaques de Paris. Elles lui rappellent ceux qui à l’école critiquaient le premier de la classe.