La lettre ouverte se lit comme une déclaration de guerre. Le quotidien à sensation Bild Zeitung alimente depuis quelques jours ses 12 millions de lecteurs avec des attaques anti-grecques primaires. Vendredi matin 5 mars 2010, le journal s’adresse directement au Premier ministre Georges Papandréou qui devait rencontrer dans la soirée la chancelière Merkel à Berlin. La petite étude comparative de Bild n’a rien de scientifique et va jeter de l’huile sur le feu des relations germano-grecques plus que tendues.
« Ici on ne paie pas des milliers d’euros de pots-de-vin pour décrocher un lit d’hôpital ; chez nous les chauffeurs de taxi et les pompistes délivrent des factures et les paysans ne récupèrent pas des millions d’euros de subventions pour des champs d’oliviers qui n’existent pas ». : Bild Zeitung énumére toute une série de critiques destinées à prouver que la gabegie règne en Grèce et que le pays est le premier responsable de ses difficultés actuelles. Un éditorialiste du quotidien rend certes hommage à l’héritage culturel et historique du pays en évoquant la démocratie, Pythagore, l’amour lesbien, les Jeux Olympiques et les héros de l’Antiquité. Tout cela avant d’enfoncer le clou : « Je me demande comment le peuple qui fut le plus intelligent au monde a pu se retrouver dans un tel état ». Bild, bon prince, imprime même un timbre au cas où Georges Papandréou souhaiterait répondre au journal et ce afin de ne pas augmenter la dette grecque.
Mardi 2 mars, le même journal s’interrogeait en gros titre en une : « Les Grecs sont-ils en train de détruire l’euro ? » Jeudi 4 mars des hommes politiques conservateurs conseillaient au pays de vendre ses îles pour financer son déficit. Le torchon brûle entre Athènes et Berlin comme le démontre les réactions outragées des Grecs qui dénoncent l’arrogance germanique.
Le gouvernement allemand ne donnera pas un cent
Le Premier ministre grec, avant d’arriver à Berlin, a déclaré dans une interview au quotidien des milieux d’affaires Frankfurter Allgemeine de vendredi 5 mars qu’il attendait de l’Allemagne un soutien politique mais pas d’argent. Le ministre allemand de l’Economie, le libéral Rainer Brüderle, a saisi la balle au bond à la télévision vendredi matin pour enfoncer le clou de façon fort peu diplomatique : « Monsieur Papandreou a dit qu’il ne voulait pas un cent ; le gouvernement allemand ne donnera pas un cent ».
Face aux réticences de ses troupes mais aussi des médias et des Allemands eux-mêmes, 80% d’entre eux s’opposent à toute aide à Athènes, Angela Merkel qui veut éviter une crise majeure de l’euro doit se livrer à un délicat exercice de grand écart. La chancelière salue les efforts de la Grèce pour réduire son endettement et entreprendre d’elle-même des initiatives. En espérant que ces gestes de bonne volonté feront passer une pilule sans doute amère pour les Allemands lorsqu’une aide sera finalement accordée à la Grèce. Ces derniers jours, les rumeurs allaient bon train sur les préparatifs que prendraient le ministre des Finances allemand pour dégager des fonds à cette fin. Le déplacement du patron de la Deutsche Bank, Josef Ackermann, à Athènes il y a quelques jours, témoignait également de l’inquiétude de l’Allemagne et accessoirement de ses banques qui ne souhaitent pas payer l’ardoise si leurs créances devaient un jour ne plus être remboursées.