Peut-être qualifiera-t-on dans quelques années le vote final du Congrès sur la réforme de la santé de tournant pour la présidence Obama.
Théoriquement, les Démocrates disposent d’une majorité claire au Congrès : 257 des 435 sièges à la Chambre des représentants, 59 des 100 sièges au Sénat. Mais de nombreux élus démocrates hésitent toujours à adopter une réforme qui est loin de faire l’unanimité parmi les Américains. Les récalcitrants sont notamment les démocrates élus dans des circonscriptions conservatrices qui craignent de ne pas être réélus lors des élections de mi-mandat en novembre prochain si jamais ils approuvent la loi. D’autres réticents se trouvent dans l’aile gauche du parti démocrate pour lesquels le projet de Barack Obama ne va pas assez loin.
Pour permettre à la réforme la plus importante de son mandat de voir enfin le jour, le président a multiplié les contacts personnels avec les démocrates hésitants. Il s’est déplacé dans des circonscriptions démocrates encore indécises, martelant en bras de chemise, toujours le même message : « Si on ne vote pas pour la réforme maintenant, quand est-ce qu’on le fera? Si ce n’est pas nous qui l’approuvons maintenant, qui le fera plus tard à notre place ? ».
Plusieurs « rebelles » démocrates se sont finalement laissés convaincre par Barack Obama. « C’est autre chose de beaucoup plus important qui est en jeu ici pour l’Amérique », a expliqué mercredi le démocrate progressiste Dennis Kucinich pour justifier sa décision de vouloir finalement voter en faveur de la réforme. « Nous devons prendre garde à ce que ce débat ne détruise pas le potentiel de la présidence Obama ».
En raison de la stratégie d’obstruction des Républicains, la Maison Blanche se trouve maintenant confrontée à des problèmes de procédure. Comment obtenir les 60 voix nécessaires au Sénat, alors que très probablement aucun Républicain ne votera pour la réforme de la santé ? Pour contourner cet ultime obstacle, Barack Obama et avec lui les Démocrates pourraient se servir d’un véritable tour de passe-passe législatif : la Chambre des représentants pourrait alors adopter le projet de loi du Sénat sans vote formel. Dans cette configuration, le texte du Sénat est "considéré comme adopté" à la Chambre des représentants. Les parlementaires de la Chambre ne voteraient dans ce cas que sur leurs amendements au projet du Sénat. Seules ces corrections seraient soumises à un nouveau vote du Sénat, dans une procédure dite de « réconciliation », où seules 51 voix et non 60 sont nécessaires pour approuver définitivement la loi.
Quadrature du cercle
Seulement voilà : cette manœuvre législative n’est pas non plus sans risque pour le président et sa majorité présidentielle. Passer par la porte de derrière pour pouvoir mettre en place une réforme aussi cruciale que celle du système de santé, c’est-à-dire se servir d’un passage en force sans une vraie majorité au Congrès, serait certainement très mal perçu par de nombreux électeurs, y compris par des électeurs démocrates.
D’un côté, certains des élus démocrates risquent de perdre leur siège s’ils votent pour cette réforme contestée. De l’autre, Barack Obama risque de perdre son autorité, s’il n’arrive pas à transformer l’une de ses principales promesses de campagne en une loi concrète.