Chili : les défis de l’après séisme pour le président Piñera

Pas de fête en grande pompe, mais une passation de pouvoir « austère »: c'est ainsi que le nouveau président chilien Sebastian Piñera, élu le 17 janvier, a pris ses fonctions jeudi 11 mars. Cette investiture se déroule dans un contexte pour le moins dramatique après le séisme du 27 février et les tsunamis qui l'ont suivi. De nombreuses régions du Chili sont dévastées. Sebastian Piñera devient donc le président de la reconstruction.

« Le tremblement de terre a été dévastateur », a expliqué Michelle Bachelet la semaine dernière encore. « Il a affecté seize régions du pays. Mais le Chili doit reprendre confiance et espoir. Nous avons les gens qualifiés, nous sommes soutenus, toutes les conditions sont donc réunies pour qu’on s’en sorte. Mais il faut comprendre que cela ne se fera pas dans l’immédiat. Cela prendra toute la durée du mandat du gouvernement prochain ». Par ces mots, la chef d’Etat socialiste qui quitte ce jeudi son fauteuil présidentiel, a rappelé aux Chiliens la lourde tâche qui sera la leur et, bien évidemment, celle du nouveau gouvernement.

Selon l'avis des experts, il faudra quatre ou cinq ans pour relever le pays. Sebastian Piñera devient donc par la force des choses le président de la reconstruction. Le nouveau chef de l’Etat, élu le 17 janvier denier, en est conscient. Lors d’une conférence de presse la semaine dernière au palais présidentiel à Santiago, le nouveau chef d’Etat a insisté sur la nécessité de la bonne volonté et de la collaboration de chaque Chilien pour reconstruire le pays.

En appelant à l'unité ses compatriotes face à la tragédie, Sebastian Piñera touche la corde sensible des Chiliens. En effet, le drame du 27 février n'est que le dernier d'une longue série de catastrophes naturelles au Chili. Lutter contre le désastre, se relever après la catastrophe fait partie intégrante de la mentalité chilienne. C'est aussi la raison pour laquelle le nouveau président arrive au pouvoir dans un moment de cohésion nationale exceptionnelle, comme le souligne son adversaire à la dernière élection présidentielle, l'ancien candidat de centre-gauche Marco Enriquez-Ominami.

Reste maintenant à savoir comment Sebastian Piñera va s'y prendre pour remettre le Chili sur les rails. Le « Berlusconi chilien », comme le surnomment ses détracteurs, sera en tout cas surveillé de près par l'opposition qui redoute des conflits d'intérêts entre le pouvoir politique et le monde des affaires, dont le nouveau président est un emblème depuis 20 ans. « C’est effectivement un entrepreneur très riche qui a aussi des intérêts dans la presse. Et il est toujours un peu gênant de voir un responsable économique à la tête de l’Etat », estime Renée Frégosi, directrice de recherche à l'Institut des Hautes Etudes sur l'Amérique latine.

Mais selon l'avis de nombreux observateurs, le défi de la reconstruction pourrait finalement être aussi une opportunité pour Sebastian Piñera. Cela sera notamment l'occasion d'imposer son style de président-manager hyperactif, et aussi de faire respecter sa promesse de créer un millions d'emplois comme l'explique Alain Musset, directeur d'études à l'Ecole des Hautes études en Sciences sociales.

La tâche sera tout de même difficile pour le nouveau président. Car le séisme et ses conséquences ont complètement changé la donne et vont probablement balayer une grande partie de ce qui reste de son programme électoral très libéral.
« Le travail ne sera pas évident pour Sebastian Piñera », analyse Alan Musset. « Pour se démarquer réellement d’un gouvernement qui a été plutôt du centre, alors qu’il est lui-même du centre-droit, il faudrait qu’il s’embarque beaucoup plus du côté de la droite dure. Mais le tremblement de terre qui a révélé les failles de la société chilienne et notamment les grandes disparités sociaux-économiques ont rendu une grande partie de la population beaucoup plus vulnérable au moment d’un désastre. Le nouveau président doit donc adapter une grande partie de son programme aux réalités socio-économiques du pays où on ne peut pas continuer à accroître d’une manière désespérante les inégalités sociales entre les habitants ».

Symboliquement, c'est dans les décombres de Constitucion, ville du littoral ravagée par trois vagues géantes, que le nouveau chef de l'Etat effectuera son premier déplacement.

 

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