Confrontée à la crise de la dette grecque, l’Union européenne réfléchit à un fonds monétaire européen (FME) sur le modèle du Fonds monétaire international (FMI). C’est le ministre allemand des Finances Wolfang Schauble qui a avancé l’idée le week-end dernier. La Grèce enregistre, en effet, un déficit de 30 milliards d'euros soit 12,7% du produit intérieur brut (PIB), alors que l'Europe exige qu'il ne dépasse pas 3% du PIB.
Mais les traités européens, très stricts en ce qui concerne les finances publiques des Etats membres, interdisent à la Banque centrale européenne (BCE), d'intervenir et de racheter de la dette publique d'un pays de la zone euro. Ils ne prévoient pas de sauvetage d'un des membres de l'Union, sauf en cas d'événement exceptionnel, et Bruxelles n'a pas jugé que c'était le cas. Dernier point et non des moindres, les Européens ne veulent pas recourir au FMI. Pour Jean-Claude Trichet, le patron de la BCE, faire appel au FMI serait « une humiliation », sans compter que la crédibilité de la zone euro serait mise à mal.
Une proposition de la Commission avant l’été
Ce FME, exclusivement réservé aux pays de la zone euro, servira de prêteur, en dernier ressort, pour aider des Etats en grave difficulté financière, à l’image ou presque de celui qui existe au niveau international. Pour François Bourguignon, directeur de l’Ecole d’économie de Paris, si ce FME voit le jour : « sa priorité sera de proposer des prêts à des taux moins élevés que ceux du marché et sans primes de risques. C’est seulement avec ce type de conditions que la Grèce pourra assainir sa situation financière ».
D’ores et déjà, l'initiative a trouvé un écho auprès de la Commission européenne qui a exposé, mardi 9 mars 2010, ses idées en interne à Bruxelles. Le nouveau commissaire des Affaires Economiques et monétaires, Olli Rehn, se dit prêt à faire des propositions en ce sens d’ici au mois de juin.
Un fonds qui ne fait pas l’unanimité
Mais l’idée d'un tel fonds divise les autorités politiques et monétaires européennes. La France et l’Allemagne sont réservées. La prudence de la chancelière Angela Merkel rejoint celle de la France. L'éventuelle création d'un tel fonds est une idée qui mérite d'être « expertisée rapidement », a estimé, mercredi, le Premier ministre François Fillon, en déplacement en Allemagne. Pour Christine Lagarde, la ministre française de l'Economie, l'idée avancée par Berlin est « une piste intéressante » mais n'est pas « la priorité absolue ». A Paris, on fait aussi valoir que la création d’un tel fonds exigerait une nouvelle réforme des traités européens.
Mais l’opposition la plus forte vient de la BCE. Un tel mécanisme ne serait pas « compatible avec les fondements de l’Union monétaire », a déclaré Jurgen Stark, membre du Conseil des gouverneurs de la BCE. Pour sa part, le président de la Bundesbank Axel Weber, également membre de la BCE, juge « inutile » de discuter de la création d’un FME, estimant plus pertinent de s’employer à faire fonctionner les institutions existantes. Les négociations s’annoncent donc longues et difficiles. Reste que si ce fonds européen voit le jour, il arrivera trop tard pour régler le problème grec. Il est pourtant urgent d'agir. Un recours au FMI n’est pas exclu ; son directeur général Dominique Strauss-Kahn, depuis le début de la crise, propose l’intervention de son institution.