Radovan Karadzic nie le massacre de Srebrenica

En procès devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Radovan Karadzic a nié mardi 2 mars le massacre de Srebrenica et le siège de Sarajevo. Accusé de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, l’ex-chef politique des Serbes de Bosnie n’est cependant pas prêt à affronter les témoins du procureur.

De notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas

Pendant huit heures, Radovan Karadzic a présenté, les 1er et 2 mars 2010, sa stratégie de défense devant les juges du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). L’accusé a d’abord plaidé la légitime défense. Celle des « forces serbes qui luttaient contre l’établissement d’un état islamique au cœur de l’Europe ». Un projet voulu par l’ancien président de Bosnie-Herzégovine, « Alija Izetbegovic et le monde arabe » dit-il, qui après l’indépendance de la Bosnie, selon le plan conçu par « la communauté internationale et l’Allemagne », refusait « tout partage du pouvoir avec la minorité serbe ».

Après avoir agi en légitime défense, les forces serbes sont devenues des « forces héroïques » dans le propos de Radovan Karadzic. Elles ont survécu grâce à « Dieu », a-t-il encore affirmé. Devant le tribunal, Radovan Karadzic, qui parle souvent de lui à la troisième personne, emprunte un chemin maintes fois parcouru par d’autres accusés. La légitime défense n’est jamais parvenue à convaincre les juges pour lesquels aucun acte ne saurait justifier des crimes contre l’humanité.

Négation des crimes de Sarajevo

Passé le volet strictement politique de sa stratégie, Radovan Karadzic s’est alors attaqué à l’acte d’accusation du procureur, fait « d’illusions et de pièges » affirme-t-il. Jusqu’ici, l’accusé ne s’était exprimé qu’au travers de requêtes rédigées par ses défenseurs, une équipe solide d’avocats chevronnés. Et jusqu’ici, sa stratégie semblait juridiquement solide. Mais Radovan Karadzic a nié, sans apporter aucun élément crédible. Niée, l’existence d’un siège à Sarajevo. La ville, dans laquelle il a « passé 50 ans de sa vie » n’était « pas assiégée, mais divisée, comme Beyrouth ». Il ne fournit aucune explication aux accusations de pilonnage de la capitale de Bosnie-Herzégovine.

Quant aux civils exécutés par les snipers depuis les collines surplombant la ville, ou les attaques comme celles perpétrées contre le marché de Markale, ils sont une manipulation. Pour M. Karadzic, les bosniaques tiraient sur des bosniaques, manipulaient les corps pour susciter une réaction de la communauté internationale. Accusé pour la prise en otage de près de 200 civils et militaires des forces de paix, au printemps 1995, pour dissuader toute intervention étrangère, Radovan Karadzic estiment qu’ils étaient tous des soldats et dès lors, prisonniers de guerre.

Négation des crimes de Srebrenica

L’ex-chef bosno-serbe a nié le massacre de Srebrenica. En juillet 1995, près de 7000 hommes et garçons de l’enclave, censée être protégée par les Nations unies, avaient été exécutés, selon le procureur, alors que des milliers de femmes et d’enfants étaient déportés vers d’autres territoires de Bosnie. Malgré les films vidéo, les photos satellites, les différentes enquêtes sur le terrain réalisées depuis 15 ans et les différents témoins, Radovan Karadzic affirme que « lorsque nous sommes entrés à Srebrenica, il n’y avait pas de civils dans les maisons, il n’y avait pas de soldats, il n’y avait personne ». Rassemblés à Potocari, « les civils ont été amenés par les Nations unies, il voulait être transférés », ils étaient volontaires. Srebrenica est un « mythe », assure-t-il. « Ceux qui sont morts sont ceux qui s’étaient emparés de fusils », a-t-il asséné.

Dans la galerie du public, les visages des victimes se sont assombris. L’audition du premier témoin du procureur a été ajournée dans l’attente d’une décision de la chambre d’appel qui doit dire si elle accorde, ou non, un délai supplémentaire à Radovan Karadzic qui demande encore du temps pour préparer sa défense.

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