La visite du Dalaï Lama suscite la colère de la Chine

La rencontre entre le chef spirituel des tibétains et Barack Obama fait grincer des dents à Pékin. L’entrevue, à l’abri des caméras, intervient dans un contexte tendu entre les autorités chinoises et l’administration américaine. Il faut dire que depuis quelques mois, les sujets de discordes se multiplient entre la Chine et les Etats-Unis. Entre différends commerciaux et vente d’armes à Taïwan, la visite du Dalaï Lama à Washington n’est qu’un épisode de plus dans la tension entre les deux pays.

A son arrivée à la Maison Blanche, Barack Obama nourrissait les meilleurs sentiments à l’égard de la Chine mais l’atmosphère entre Pékin et Washington s’est dégradée au fil des mois et aujourd’hui les deux pays ne se font plus d’illusion, c’est le pragmatisme qui prévaut.

Jean Vincent Brisset, directeur de recherche à l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) rappelle que « l’administration Obama est partie sur un principe de bonnes relations avec la Chine. Après la déception de la visite du président américain à Pékin en novembre 2009, après le sommet de Copenhague, elle a décidé de changer de politique et d’être moins conciliante ». Washington a eu le sentiment que ses efforts n’étaient pas payés de retour.

Officiellement le département d'Etat rappelle que la relation entre les deux pays est stable : « nos intérêt coïncident dans de nombreux domaines mais entrent parfois en collision sur une poignée de sujets ». De fait, les motifs de mécontentement américains sont nombreux et précis. Les Américains ont été frustrés par la rigidité de Pékin lors de la conférence de Copenhague sur le climat. Au plan économique, outre la sous-évaluation chronique du yuan, le marché chinois tarde à s'ouvrir aux entreprises américaines et il y a un gros problème avec le respect de la propriété intellectuelle.

Au plan diplomatique, les Etats-Unis n'obtiennent pas toute la coopération qu'ils souhaitent sur les dossiers de prolifération nucléaire, que ce soit avec l'Iran ou la Corée du Nord. La Maison Blanche a donc décidé de réagir et d'en revenir à une diplomatie plus classique. Washington a donc annoncé son intention de vendre des armes à Taiwan (province chinoise rebelle). L’administration américaine s’est aussi rangée aux côtés de Google, le mois dernier, lorsque le géant de l’internet a dénoncé la cyber-répression et, finalement, Barack Obama serre la main du Dalaï Lama.

Le Tibet : un dossier délicat

La question du Tibet reste très sensible pour les Chinois. Pékin accuse le Dalaï Lama de séparatisme et lorsque des dirigeants étrangers reçoivent le chef spirituel des Tibétains, les autorités chinoises y voient toujours une ingérence dans un dossier intérieur. « L’administration Obama doit s’attendre à des protestations des autorités officielles chinoises », explique Xin Hua, directeur de recherche à l'Institut des relations internationales de Pékin, un « think-tank » (institut de réflexion) gouvernemental.

L’analyste ajoute que la population chinoise est également indignée et déçue par l’attitude des Américains. A la Maison Blanche, on feint l'étonnement et on tente de relativiser l'événement : Barack Obama a pris soin de se rendre d'abord à Pékin, en novembre dernier, avant de recevoir le Dalaï Lama. L'entretien entre le président américain et sa Sainteté doit avoir lieu non pas dans le bureau Ovale réservé aux chefs d'Etat mais dans la salle des Cartes, il s'agit donc d'une entrevue à caractère privée loin des caméras. Malgré toutes ces précautions, Pékin ne décolère pas.

La Chine envisage-t-elle des mesures de rétorsion contre les Américains ?

La menace plane. La Chine pourrait tourner le dos à certaines entreprises américaines dont Boeing. Elle détient aussi des bons du Trésor américain et peut s’en débarrasser pour perturber les marchés mondiaux. Des représailles sont donc envisageables mais Jean Vincent Brisset de l'IRIS rappelle que les deux pays n'ont pas intérêt à faire monter la pression : « ils sont interdépendants économiquement ».

Côté tibétain, la modération reste de mise. « La rencontre entre les deux prix Nobel de la paix est un pas important dans le cadre du soutien international au peuple tibétain mais ce n’est pas une nouveauté », dit Bashi Wang Po. Le représentant à Paris du Dalaï Lama précise que le leader spirituel des Tibétains est régulièrement reçu par les présidents américains, depuis 20 ans.
 

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