Le cessez-le-feu entre le gouvernement central de Sanaa et les rebelles « houthistes » du nord du pays est en théorie une bonne nouvelle. En théorie seulement, car depuis près de cinq ans, le conflit a connu des interruptions à plusieurs reprises. Les deux parties ne sont pourtant jamais parvenues à mettre un terme définitif à un affrontement dont les racines remontent aux années soixante et a été exacerbé après les attentats de septembre 2001 aux Etats-Unis.
C’est en 2004 que les premiers affrontements armés entre les forces gouvernementales et les rebelles éclatent dans le nord du pays, près de la ville de Saada. A l’origine, cette rébellion est dirigée par Hussein Badreddine al-Houthi, qui donnera ensuite son nom à cette rébellion dite houthiste.
Ces rebelles sont des zaïdites, une branche minoritaire du chiisme. Mais cette appartenance religieuse n’est pas à l’origine du conflit. Le président du Yémen, Ali Abdallah Saleh est lui-même un zaïdite. Pour une minorité des rebelles, la principale revendication est d’ordre institutionnel. Ils réclament la restauration de l’imamat zaïdite, un système de type monarchique qui prévalait avant la création de la République du Yémen en 1962, qui à l’époque ne recouvrait que la partie nord de l’actuel Yémen. Plus largement, la rébellion s’est développée sur fond de revendications tout à la fois économique et politique. Les partisans d’Hussein al-Houthi affirment que leur région a été délaissée en termes d’investissements par le pouvoir central et accuse le président et son entourage de corruption.
Parallèlement, le mouvement rebelle s’appuie sur la contestation que suscite au sein de l’opinion publique, le soutien apporté par le chef de l’Etat à la lutte contre le terrorisme décrétée par le président américain George Bush après les attentats du 11 septembre 2001.
Interrogé par RFI en novembre dernier, Samy Dorlian enseignant à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix en Provence et spécialiste du Yémen rappelle que « le 17 janvier 2002 dans la province de Saada, frontalière de l'Arabie Saoudite au nord-ouest du pays, Hussein al-Houthi qui était député de 1993 à 1997 du Hizb el-Haq,- principale expression organisationnelle du renouveau zaïdite-, donne une conférence dans laquelle il incite ses compatriotes à combattre l'hégémonie américaine sur le monde arabe et musulman. Or les autorités yéménites, engagées depuis le 11-Septembre 2001 dans le partenariat de lutte anti-terroriste avec les Etats-Unis, ont récusé cette démarche. Et l'ambassade américaine a exercé des pressions sur le pouvoir yéménite qui a, en conséquence, procédé à des centaines d'arrestations».
Cinq ans de guerre
En juin 2004, l’armée gouvernementale déclenche dans le nord du pays une offensive contre Hussein al-Houthi et ses partisans. Les combats feront, selon les sources, entre plusieurs dizaines et plusieurs centaines de morts, parmi lesquelles le chef de l’insurrection, remplacé immédiatement par son frère Abdul Malik al-Houthi. Au cours de cinq dernières années, le conflit a connu plusieurs périodes d’accalmie. En signe d’apaisement, le gouvernement a ainsi libéré en 2006, plusieurs centaines de partisans présumés de la rébellion houtiste. Mais toutes les tentatives d’accord ont jusqu’à présent échoué. La plus sérieuse d’entre elles est à porter au crédit du Qatar. Le petit émirat est à l’origine d’un accord de cessez le feu conclu en 2008. Il prévoyait la fin de l’offensive gouvernementale à condition que les rebelles déposent les armes. La rébellion obtenait en échange le droit de créer un parti politique légal et le gouvernement s’engageait à reconstruire les infrastructures détruites par la guerre. Mais cet accord n’a jamais été appliqué.
Les civils, premières victimes
Ce conflit a eu bien sûr de graves conséquences humanitaires. La zone étant interdite d’accès à la presse, il est difficile d’évaluer le nombre de victimes mais des sources concordantes parlent de plusieurs milliers de morts. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime de son côté que 175 000 personnes ont dû fuir la zone des combats. En novembre dernier William Spindler du HCR soulignait que «la situation humanitaire au nord du Yémen reste dramatique. La ville de Saada par exemple, est coupée du reste du monde à cause du conflit. L'accès à Saada est extrêmement difficile depuis le mois d'août, et la ville elle-même est complètement inaccessible depuis ces deux dernières semaines. Les populations civiles vivent dans des conditions désespérées, faute d'accès suffisant à l'eau et à la nourriture ».
Un espoir à confirmer
Cette fois, les deux parties semblent vouloir parvenir à un compromis. Le chef de la rébellion a ainsi donné son accord aux conditions du gouvernement pour une cessation des hostilités. Le gouvernement réclame aux insurgés d’«observer un cessez-le-feu, d'ouvrir les routes, de déminer et d'évacuer les hauteurs, de se retirer des bâtiments publics et ne pas intervenir dans le fonctionnement de l'administration locale, de restituer les biens publics et les armes saisies, de libérer les détenus civils et militaires, y compris les Saoudiens, et de respecter la loi et la Constitution ». Vendredi, un calme relatif régnait dans la région de Saada.
Une fois ce cessez-le-feu consolidé un comité national formé de parlementaires et auquel participerait des représentants de la rébellion doit superviser l’application de l’accord et veiller en particulier au retour des dizaines de milliers de civils déplacés dans leur foyer. Mais il faudra pour cela que la fin des hostilités devienne enfin une réalité.