Avec nos correspondants à Kiev, Piotr Moszynski et Camille Magnard
Ioulia Timochenko semble vouloir prouver que le camp adverse s’était rendu coupable de fraudes massives. Elle serait en train de collecter les informations des observateurs de son parti sur le terrain pour décider s’il y a assez de matière pour essayer de faire invalider les résultats du scrutin par les tribunaux.
Toutefois, sa situation n’est pas facile, les observateurs internationaux de l’OSCE ayant annoncé que l’élection de Viktor Ianoukovitch a été « transparente » et « honnête ».
Le camp de Victor Ianoukovitch présente Ioulia Timochenko comme mauvaise perdante et l’appelle à démissionner du poste de Premier ministre. Or, rien ne la contraint à le faire, car le Parti des régions ne dispose pas de majorité au Parlement et ne peut donc pas destituer le gouvernement.
Le camp de Viktor Ianoukovitch montre donc ses muscles. Des dizaines de milliers de personnes se relayaient lundi 8 février devant le siège de la Commission électorale centrale à Kiev, sous le slogan : « Cette fois, nous ne permettrons pas de nous faire voler notre victoire ! ». Mais Ioulia Timochenko est connue pour son obstination ; il serait étonnant de la voir céder devant une pression de ce genre.
«Il n'y aura pas de deuxième ' révolution orange ' »
« Notre président, c'est Ianoukovitch ! Pour moi, il aurait déjà du être élu il y a cinq ans. Vous savez, il y a cinq ans, il y a eu cette ' révolution orange '. Au premier tour, Ianoukovitch avait gagné, au second tour aussi. Et ils nous ont volé la victoire avec leur troisième tour. Mais aujourd'hui, on est là pour défendre notre victoire. Cette fois-ci, ils ne n'arriveront pas à nous la prendre ! », lance Slavik.
Brassard bleu aux couleurs du Parti des régions, il supervise le manège incessant des bus chargés de manifestants. Il en arrive de partout, par colonnes bien ordonnées, sur le parvis de la Commission électorale centrale. Des supporters du nouveau président, mais aussi des manifestants payés pour faire du nombre. Les pro-Ianoukovitch n'ont pas oublié la « révolution orange », et cette fois ils ont pris les devants.
Emilia et Anna ont fait le voyage en bus de Rivné, dans l'ouest du pays :
- Non, ce n'est pas une nouvelle ‘ révolution orange ’. Nous sommes plus forts, et plus nombreux qu'eux à l'époque !
- Et si jamais Ioulia Timochenko essaye de nous provoquer et de faire une nouvelle ‘ révolution orange ’, alors on fera en sorte de l'en empêcher.
Mais au fond, personne ne croit vraiment que Ioulia Timochenko pourra soulever les foules pour contester la victoire à son rival. La manifestation a un tout autre sens. C'est toute une Ukraine bleue, frustrée de victoire et de reconnaissance depuis 2004, qui est venue à Kiev pour concrétiser sa revanche, et montrer qu'il va falloir à nouveau compter avec elle.