Entretien avec Arnaud Dubien, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste de l'Ukraine.
RFI : Que peuvent attendre les investisseurs étrangers du nouveau président Viktor Ianoukovitch ?
Arnaud Dubien : L'accession de Viktor Ianoukovitch à la présidence ne devrait pas changer grand chose pour les affaires économiques. Les problèmes de corruption de la bureaucratie ukrainienne sont bien connus. Pour ce qui est de la politique publique de l'Etat, là non plus il n'y aura pas de rupture dans les choix stratégiques. Il n'y aura pas de nationalisation par exemple. Les équipes qui entourent Ianoukovitch sont des gens assez libéraux. En tout cas plus libéraux et moins interventionnistes que Ioulia Timochenko. La priorité des nouvelles autorités est de trouver une solution budgétaire, l'Etat ukrainien est virtuellement en faillite. Il y a donc une urgence à régler : la remise à plat des finances publiques. Mais l'Ukraine va poursuivre à son rythme les réformes. Les investisseurs n'ont rien à craindre du changement de pouvoir à Kiev.
RFI : Les investisseurs européens doivent-ils s'inquiéter de voir un pro-russe au pouvoir ?
A.D. : Les responsables politiques et la population sont favorables à l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne. Cette question ne divise pas parce que l'UE est associée à la prospérité et à la richesse. Kiev réalise d'ailleurs l'essentiel de ses échanges avec elle. Viktor Ianoukovitch n'est pas hostile à l'Europe. D'un point de vue économique il n'est donc pas certain que l'élection du leader du Parti des régions soit une mauvaise nouvelle pour les entrepreneurs européens. Je crois qu'il faut vraiment se défaire de l'idée que Ianoukovitch est un cryptocommuniste pro-russe, tout cela est beaucoup plus nuancé, beaucoup plus compliqué.
RFI : Comment qualifier le marché ukrainien pour les investisseurs étrangers ?
A.D. : C'est un marché extrêmement important. L'Ukraine, c'est un peu plus de 45 millions d'habitants. Alors certes c'est l'un des pays les plus frappés par la crise avec la Lettonie. Les ménages en particulier sont très endettés. Mais le pays s'est beaucoup développé ces dernières années. Après la crise, l'Ukraine va redevenir un marché intéressant. C'est un marché qui est proche de nous, qui est relativement accessible.
RFI : Cette élection va-t-elle permettre de stabiliser l'Ukraine ?
A.D. : Ce n'est pas sûr du tout. Ioulia Timochenko n'a pas l'intention de reconnaître sa défaite. Elle envisage des actions en justice ce qui va faire traîner les choses. Ce n'est pas une bonne nouvelle, ni un bon signal pour la stabilité économique. Il y a ensuite la question de la constitution. L'Ukraine a une constitution extrêmement hybride, mi-présidentielle, mi-parlementaire. On ne sait pas très bien qui s'occupe de quoi. La stabilité du pays passe donc par une nouvelle constitution et par des élections législatives anticipées pour clarifier la situation.
Propos recueillis par Morgane Belloir