Le Yémen et les inquiétudes qu’il suscite s'articulent autour de quatre questions et réponses :
Quelles sont les crises qui touchent le Yémen ?
Le pays doit faire face à :
- Une grande pauvreté : le Yémen se situe au 140ème rang (sur 182 pays) dans le classement de l’indice de développement humain du PNUD (Programme des Nations unies pour le Développement).
- Une agitation séparatiste au Sud : le Sud-Yémen et le Nord-Yémen étaient deux Etats indépendants distincts avant leur réunification de 1990. Il subsiste aujourd’hui au Sud un fort sentiment de discrimination qui se traduit par des revendications autonomistes. Cette agitation prend de l’ampleur depuis quelques mois, sous forme de grèves et de manifestations émaillées d’affrontements.
- Une rébellion armée au Nord : le Yémen est un pays arabe à majorité sunnite mais où vit aussi une importante communauté chiite (les Zaïdites, qui n’appartiennent pas à la même branche du chiisme que les Iraniens et les Irakiens). C’est au sein de cette communauté qu’est apparu, en 2004, le mouvement rebelle houthiste (du nom de ses chefs, membres de la famille Al Houthi). Depuis cette date, les affrontements armés ravagent le nord du pays et provoquent l’exil de dizaine de milliers de civils. En novembre 2009, le conflit s’est internationalisé avec l’intervention de l’armée saoudienne, qui bombarde les rebelles houthistes qu’elle accuse de pénétrer sur son territoire.
-La présence d’al-Qaïda depuis le début des années 1990.
Quelle est l’implantation d’al-Qaïda au Yémen ?
Le 25 décembre 2009, un Nigérian a tenté de faire exploser un avion de ligne américain qui effectuait la liaison Amsterdam-Detroit. Attentat manqué mais revendiqué par al-Qaïda sur la Péninsule Arabique (AQPA), née en 2009 de la fusion des branches yéménite et saoudienne de l’organisation. L’auteur de la tentative a séjourné au Yémen et les enquêteurs estiment qu’il y a probablement été formé par al-Qaïda.
L’événement a braqué l’attention internationale sur ce pays mais il faut se souvenir que si Oussama Ben Laden est né en Arabie Saoudite, sa famille est originaire du Yémen. C’est d’ailleurs à Aden qu’al-Qaïda a commis son premier attentat, en décembre 1992, en visant un hôtel fréquenté par des soldats américains en route vers la Somalie. D’autres attaques suivront : contre le navire américain USS Cole dans le port d’Aden en octobre 2000 (17 morts), ou plus récemment contre l’ambassade des Etats-Unis (16 morts en septembre 2008).
L’implantation d’al-Qaïda au Yémen se mesure aussi dans les rangs des détenus de Guantanamo : sur les quelque 200 prisonniers de la base américaine, 91 ont la nationalité yéménite.
Que redoute la communauté internationale ?
Un Yémen devenu sanctuaire d’al-Qaïda risquerait de déstabiliser toute la péninsule arabique. Les monarchies du Golfe sont l’une des cibles favorites de l’organisation d’Oussama Ben Laden, qui n’a de cesse de les maudire pour leurs alliances politiques, militaires et économiques avec l’Occident. Le prince saoudien Mohamed ben Nayef ben Abdelaziz, vice-ministre de l’Intérieur chargé de la lutte contre le terrorisme, en sait quelque chose, lui qui a échappé fin-août 2009 à l’explosion de la bombe qu’un kamikaze transportait dans son rectum.
Le risque de contamination régionale tant redouté par les Occidentaux ne se limite pas à la péninsule arabique : de l’autre côté du golfe d’Aden, il y a la Somalie, zone de chaos politique. Le scénario du pire dans la région serait l’apparition « d’une zone de non droit depuis le nord du Kenya, à travers la Somalie, le golfe d'Aden, jusqu'à l'Arabie saoudite » analyse le centre de recherches en relations internationales Chatham House de Londres, qui pointe des implications « pour le transport maritime, le transit de pétrole vers le canal de Suez et la sécurité des pays voisins du Yémen ».
Quelles sont les solutions ?
Pour les Etats-Unis, il semble que l’usage de la force soit une partie de la solution. Rien d’officiel mais la presse américaine diffuse depuis plusieurs semaines des informations sur le soutien apporté par Washington aux forces yéménites qui traquent les cellules d’al-Qaïda. Des opérations qui auraient débuté en décembre 2009 et qui impliquerait le Joint Special Operation Command, une unité de l’armée américaine spécialisée dans la lutte antiterroriste.
Toujours selon les informations de presse, les militaires américains ne prendraient pas directement part aux raids mais fourniraient armes, munitions, conseils et cartes à leurs homologues yéménites. Une implication discrète qui permet aux Etats-Unis d’éviter le « piège» que le chercheur Jean-Pierre Filiu (auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels « Les Neuf vies d’al-Qaïda ») décèle dans la stratégie d’al-Qaïda : l’organisation jihadiste chercherait à attirer les Américains dans une confrontation directe, sur un terrain difficile, transformant ainsi le Yémen en un nouvel Afghanistan.
C’est aussi pour éviter ce scénario et son risque d’enlisement que les Occidentaux jouent la carte du renforcement de l’Etat yéménite. Un pari audacieux dans ce pays où certaines régions sont davantage soumises au pouvoir des tribus qu’à celui de l’Etat.
Ce soutien passe aussi par l’économie. Les dirigeants yéménites estiment que leur pays a besoin de quatre milliards de dollars par an pour faire décoller l’économie du pays. En 2006, une réunion de pays donateurs avait permis de rassembler cinq milliards de dollars… dont seule une faible part a été versée à ce jour.