Corée: manifestation monstre à Séoul pour demander le départ de la présidente

Les excuses publiques n'y auront rien fait. Les propositions de nouveau gouvernement incluant l'opposition non plus. Pour le 3e week-end consécutif, les Sud-Coréens sont descendus dans les rues de Séoul ce samedi 12 novembre 2016. Selon les organisateurs, un million de personnes ont pris part à la manifestation. La police, qui tablait au départ sur 170 000 participants, estime que 260 000 personnes ont battu le pavé. Les manifestants réclament la démission de leur présidente, Park Geun-hye, empêtrée dans un énorme scandale impliquant une conseillère de l'ombre, Choi Soon-sil.

L'affaire Choi Soon-sil aura-t-elle raison de la présidente sud-coréenne ? Des centaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Séoul ce samedi, en signe de défiance vis-à-vis de Park Geun-hye. Cette manifestation antigouvernementale, la troisième d'une série désormais hebdomadaire, est l'une des plus grandes que ce pays ait connues depuis les rassemblements pro-démocratie de la fin des années 1980 et du début des années 1990. Quelque 25 000 policiers ont été déployés, notamment pour bloquer l'accès à la Maison Bleue, le siège de la présidence. Les syndicats enseignants ont même organisé les transports en bus dans les lycées.

Ce fut tout simplement une marée humaine. Certains manifestants étaient venus de très loin dans la péninsule. Des dizaines de milliers de protestataires ont été acheminés à Séoul en bus et en train. Tous les KTX (TGV coréens) venant de la Pusan étaient complets dans la matinée. « C'était notre anniversaire de mariage hier, mais nous avons annulé notre voyage d'anniversaire et sommes venus à Séoul parce que nous pensons que c'est plus important pour notre fille », a par exemple expliqué à l'Agence France-Presse un certain Cho Joo-pyo, venu battre le pavé en famille depuis la ville de Jeonju, à quelque 200 km de Séoul. Un millier de manifestants ont même pris la peine de venir par avion de l'île méridionale de Jeju.

Résultat : une foule très hétérogène défilant pacifiquement dans les rues de la capitale, convergeant sur la place de Ganghwamun en professant des slogans pour exiger la fin du règne de Mme Park, fille de dictateur arrivée au pouvoir par les urnes il y a trois ans. Des lycéens venus entre amis pour assister à un moment historique, des étudiants, des collégien portant des masques de carnaval, des retraités, de jeunes foyers avec leurs enfants... tous ont avancé au rythme des tambours, danses et concerts, en brandissant des banderoles pour se moquer d'une présidente sous influence. A la tombée de la nuit, bougies à la main - une tradition militante coréenne -, ils ont entamé une lente marche vers le palais présidentiel, à quelques centaines de mètres.

Un scandale dévastateur pour l'image de chef d'Etat de Park Geun-hye

Park Geun-hye est accusée d'avoir accordé trop d'influence à l'une de ses proches, une personnalité sulfureuse désormais surnommée « Raspoutine » en Corée du Sud. Cette femme, Choi Soon-sil, aurait profité de son ascendant sur la présidente pour contraindre des groupes industriels de premier plan, à l'instar du géant Samsung, à verser de gros montants d'argent à des fondations douteuses. Des sommes qu'elle aurait ensuite utilisées à des fins personnelles. Mme Park est également accusée d'avoir permis à Mme Choi, qui n'a ni fonction officielle, ni habilitation sécuritaire, d'avoir accès à des documents étatiques confidentiels.

La présidente et sa conseillère occulte se connaissent depuis 40 ans. Cette dernière est la fille d'un chef religieux qui aurait, par le passé, aidé la jeune Park Geun-hye à entrer en contact avec sa mère, assassinée en 1974, dans l'au-delà. Ses détracteurs accusent d'ailleurs Mme Park d'avoir participé, sous l'influence de Choi Soon-sil, à un culte religieux d'inspiration chamanique. Une affaire dévastatrice pour l'image de chef d'Etat de Park Geun-hye, qui a reconnu avoir été « négligente » et insuffisamment vigilante par amitié, mais s'est défendue d'avoir participé à un tel rite.

Un temps partie à l'étranger, Choi Soon-sil a finalement été arrêtée début novembre pour fraude et abus de pouvoir. Quant à la présidente, face à une crise de légitimité majeure - son taux de soutien s'est effondré à 5 % -, elle a effectué des excuses contrites depuis que l'affaire a éclaté. Elle s’est dite prête à se faire entendre par le parquet et à laisser le Parlement, contrôlé par l'opposition, nommer le Premier ministre. Le quinquennat de Mme Park s'achevant dans un peu plus d'un an seulement, il devrait a priori aller jusqu'à son terme. Mais son autorité et sa capacité à gouverner le pays semblent définitivement sapées.

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