De notre correspondant à Séoul,
C'est une affaire assez surréaliste. Tout a commencé par des accusations de corruption visant deux fondations douteuses qui, en quelques jours, ont réussi à soutirer 60 millions d’euros à de grandes entreprises. Derrière ces fondations, les enquêteurs ont découvert Choi Soon-sil, une inconnue de 60 ans, amie proche de la présidente, sans la moindre fonction officielle. Sur une tablette lui appartenant, des journalistes de la chaîne télévisée JTBC ont alors trouvé des corrections de discours de Park Geun-hye. L’affaire s’est ensuite emballée.
Choi Soon-sil est soupçonnée d’avoir reçu quotidiennement des dossiers confidentiels, y compris des secrets militaires, et d’avoir joué dans l’ombre un rôle considérable sur les décisions de la présidente. Par exemple, les nominations de hauts fonctionnaires. Elle a aussi accusée d’avoir fait modifier les règles d’admission de la prestigieuse université d’Ewha, à Séoul, pour y faire entrer sa fille, athlète équestre. De quoi toucher une corde très sensible, dans une société obsédée par la réussite scolaire et par les diplômes universitaires.
Que sait-on de Choi Soon-sil, surnommée « Raspoutine » par la presse ? Elle est la fille de Choi Tae-min, un gourou d’une secte religieuse qui fut l’ancien mentor de Park Geun-hye, et prétendait pouvoir communiquer avec sa mère assassinée. Et c’est là, la véritable raison de la colère des Coréens : ses électeurs pensaient que Park Geun-hye aurait la poigne de son père, l’ancien président et dictateur Park Chung-hee. Ils découvrent à l'inverse une chef d’Etat faible, sous l’influence d’une famille louche devenue immensément riche grâce à ses liens.
Fin de mandat compliquée en perspective pour une présidente raillée de toute part
Dans la presse sortent les rumeurs les plus folles. L’une d’entre elles attribue même à Choi Soon-sil des pouvoirs chamaniques ! Même si son influence réelle reste à déterminer par les enquêteurs, le mal est fait : toutes les précédentes décisions de Park sont remises en cause. Les Coréens parlent de « honte » en évoquant cette affaire, parce que celle-ci leur rappelle l’époque féodale, quand la cour royale était manipulée par divers oracles et conseillers occultes. Il n’existe cependant aucune preuve que Choi Soon-sil a poursuivi les pratiques religieuses et sectaires de son père.
La présidente Park est en très mauvaise posture. Mais elle n'a sans doute pas l'intention de démissionner. Il lui reste un an de mandat, et tout indique qu’elle veut aller jusqu’au bout, comme le montrent d’ailleurs ses excuses très larmoyantes de vendredi dernier, au cours desquelles elle a reconnu que Choi Soon-sil l’avait aidée alors qu’elle souffrait de « solitude ». Park Geun-hye a aussi nié appartenir à une secte. Elle a limogé son Premier ministre et nombre de conseillers.
Mais cela ne suffit pas : sa cote de confiance s’est effondrée à 5 %. Le propre camp de la présidente sud-coréenne lui demande maintenant de confier son pouvoir au chef d’un gouvernement d’union nationale, et de ne plus occuper qu’une position honorifique. L’opposition bloque cependant la nomination du nouveau Premier ministre, et le gouvernement est complètement paralysé. Des nouvelles manifestations pour exiger la démission de Park Geun-hye sont prévues dans les prochains jours.
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