Avec notre correspondant à Rangoon, Rémy Favre
La levée prochaine des sanctions est un cadeau fait aux militaires. En effet, ces derniers contrôlent de larges pans de l’économie birmane, notamment les secteurs exportateurs des industries extractives, les hydrocarbures et les pierres précieuses. Des secteurs qui vont se développer lorsque les sanctions économiques américaines seront effectivement levées.
Aung San Suu Kyi, la chef de la diplomatie birmane, fait ce cadeau à l’armée car elle a besoin de son soutien politique en retour, notamment pour mener à bien ses réformes pro-démocratiques. Les militaires disposent du droit de veto au Parlement et elle doit donc les courtiser.
Aung San Suu Kyi adopte cette stratégie depuis son retour sur la scène politique en 2012. Elle n’attend pas que l’armée fasse preuve de bonne volonté en matière de démocratisation, mais elle prend les devants en lui accordant ce privilège, quitte à irriter les défenseurs des droits de l’homme. Ces derniers ne veulent pas récompenser trop tôt les militaires qui sont accusés de graves violations des droits fondamentaux, notamment dans le nord du pays.
Ces défenseurs des droits humains n’ont pas pour habitude de critiquer Aung San Suu Kyi, mais ils regrettent de plus en plus ouvertement que la conseillère d’Etat donne la priorité à sa relation avec l’armée, qui a très mauvaise réputation en Birmanie.
« On priorise le business aux droits de l’homme »
Pour Cécile Harl, présidente de l'association Info Birmanie, cette demande de levée des sanctions intervient trop tôt, car les militaires conservent une part importante du pouvoir.
« La Birmanie doit encore avoir des pressions de la communauté internationale extrêmement fortes, estime-t-elle. Car les déplacés internes sont extrêmement nombreux, la minorité des Rogingyas continue d’être persécutée, l’armée birmane poursuit ses exactions contre les civils, les femmes sont systématiquement exclues des pourparlers de paix et l’accès aux libertés fondamentales de milliers de personnes n’est pas assuré. On avait déjà allégé les sanctions en 2012, et là, il est trop tôt pour alléger les sanctions qui visent finalement les personnes qui, sous la junte militaire, faisaient du business et qui ont réussi à obtenir énormément d’argent sur le dos de la population birmane. »
« C’est surtout un intérêt économique, constate Cécile Harl. Nous, c’est ce qu’on reproche à cette levée de sanctions. Finalement, on priorise le business aux droits de l’homme. L’objectif du gouvernement américain, en levant ces sanctions, c’est finalement de faciliter les investissements américains en Birmanie. Ce n’est absolument pas saluer les efforts qui ont été faits. C’est donc dans un intérêt propre et qui est surtout économique malheureusement. »