Cette rencontre historique a été préparée dans le moindre détail et dans le plus grand secret. Un terrain neutre : Singapour. Une heure de rencontre : samedi après-midi. Sept personnes de chaque côté. Pas de communiqué final, mais des conférences de presse séparées. Et tout de même un dîner pour clôturer le rendez-vous, qui a déjà sa place dans les livres d'histoire, rapporte notre correspondante à Hong Kong, Florence de Changy.
Pour le président Ma, c'est une première étape vers la normalisation des relations diplomatiques entre les deux rives du détroit. Mais la « politique des trois non » reste en vigueur : « non » à l'unification, « non » à la séparation (c'est-à-dire l'indépendance formelle de Taiwan, et « non » au recours à la force.
Le choix de Singapour est également hautement symbolique. C'est d'une rencontre entre diplomates chinois et taiwanais à Singapour qu'est né le « consensus de 1992 », selon lequel les deux parties acceptent le concept de la « Chine unique », tout en s'autorisant leur propre définition de cette Chine unique...
Les sujets délicats seront soigneusement évités. On ne parlera donc pas des contentieux territoriaux en mer de Chine. Par souci de dignité et de réciprocité, les deux présidents s'appelleront « Monsieur Ma » et « Monsieur Xi ». S'appeler « président » serait contraire au consensus de 1992 : une seule Chine ne saurait avoir deux présidents !
Arrière-pensées électorales
Cette rencontre arrive à point nommé pour le dirigeant taïwanais. Son parti est donné perdant à la présidentielle de janvier prochain. Pour celui qui avait été élu en 2008 sur l’idée d’un rapprochement avec Pékin, ce moment historique permet de souligner en creux les bénéfices que les Taïwanais ont retirés de sa présidence : le lancement de vols directs entre Taipei et Pékin, la conclusion d’accords commerciaux et un boom touristique.
Mais le sommet a été accueilli fraîchement par une partie de son opinion qui y voit une manipulation politique avant les élections. Certains estiment aussi que ce sont surtout les grosses entreprises qui ont profité du rapprochement. Enfin, l’opposition accuse Ma Ying-jeou de vendre l’île à Pékin. Le président taïwanais s’en est défendu, jeudi lors d’une déclaration à la nation, en soulignant qu’aucun accord ne serait signé.
Certains voient dans cette rencontre une déclaration publique de soutien de la part de Pékin au parti de Ma Ying-jeou. D’autres l’interprètent comme une tentative chinoise de rapprochement avec un allié des Etats-Unis, alors que la situation est toujours aussi tendue en mer de Chine méridionale.