L’annonce d’une rencontre au très haut niveau a été donnée deux heures seulement avant l’expiration de l’ultimatum lancé vendredi par la Corée du Nord à son voisin du Sud. Le numéro 1 nord-coréen Kim Jong-un exigeait l’arrêt de haut-parleurs remis en service par Séoul lundi 10 août, sous peine d’une « guerre totale » dans la péninsule. C’est le régime de Pyongyang qui a proposé en premier la rencontre, vendredi 21 août. Les deux pays sont tombés d’accord très vite sur les modalités de la négociation, ce qui est rarissime et donc encourageant.
Le rendez-vous a lieu à Panmunjom - le « village de la trêve » situé à cheval sur la frontière - depuis 6 h heure locale (9 h GMT). C’est dans ce même lieu que s'étaient déjà déroulées en octobre des discussions bilatérales. La Corée du Nord exige que Séoul cesse la diffusion de propagandes qui insultent Kim Jong-un et qui sont jugées absolument inacceptables pour la dynastie au pouvoir. La Corée du Sud, de son côté, demande au régime de reconnaître ses responsabilités dans l'explosion d'une mine antipersonnel survenue début août. Aucun des deux camps n’a intérêt à une escalade militaire : l’armée nord-coréenne ne fait pas le poids face à celle du Sud, alliée des Etats-Unis. Et Séoul veut éviter un affrontement qui ruinerait son économie.
On peut donc espérer une sortie de crise et un compromis qui permettrait aux deux camps de sauver la face. D'autant que ce sont des figures de haut rang que les deux pays ont envoyées aux pourparlers, commente notre correspondant à Séoul Frédéric Ojardias. La Corée du Sud est représentée par son ministre de l'Unification Hong Young-pyo et le très influent conseiller à la Sécurité nationale Kim Kwan-jin. Pour la Corée du Nord ont été annoncés le haut responsable de la Défense, Hwang Pyong-so, considéré comme le numéro deux du régime, et le secrétaire du Parti des travailleurs Kim Yang-gon chargé des relations avec le Sud. MM. Hwang Pyong-so et Kim Kwan-jin sont tous les deux des proches conseillers de leur dirigeant respectif.
Contexte tendu dans la péninsule
En prévision de la rencontre, l'Armée populaire de Corée (Nord) avait assuré que ses unités déployées à la frontière étaient prêtes à riposter si Séoul n'obtempérait pas. « Nous sommes arrivés à l'aube d'une guerre et la situation est irréversible », avait même affirmé le ministère nord-coréen des Affaires étrangères. L'agence sud-coréenne Yonhap, citant des sources militaires, avait fait état de mouvements d'unités d'artillerie au Nord, tandis que des avions de chasse américains et sud-coréens avaient effectué des exercices de simulation de bombardement à la mi-journée dans une claire démonstration de force.
Cette entrevue intervient au lendemain d'une déclaration ferme de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye. Les autorités de Séoul avaient fait savoir qu'elles n'avaient l'intention ni de céder aux injonctions de leur voisin, ni de faire taire ces haut-parleurs qui diffusent leurs messages à la frontière. Cette guerre de propagande avait pourtant cessé entre les deux pays en 2004 d'un commun accord. La reprise par la Corée du Sud de ces activités est liée à l'attaque à la mine antipersonnel de début août, imputée à la Corée du Nord et dans laquelle deux soldats sud-coréens ont été mutilés.
Pyongyang a jusqu'ici démenti toute implication dans ces explosions. La situation s’est ensuite envenimée jusqu'à déboucher jeudi sur un exceptionnel échange de tirs d'artillerie entre les deux ennemis. Les deux pays sont en conflit depuis 65 ans. La dernière attaque directe date de décembre 2010, lorsque la Corée du Nord avait bombardé l'île sud-coréenne de Yeonpyeong, causant la mort de deux soldats et deux civils sud-coréens. Séoul avait répliqué en tirant des obus sur des positions nord-coréennes, ce qui avait fait craindre un conflit généralisé.