Horloges: la Corée du Nord fait un -petit- bond en arrière

La Corée du Nord a décidé de faire un petit bond de 30 minutes exactement en arrière ce samedi. Le régime de Kim Jong-un a retardé toutes ses horloges d’une demi-heure pour se caler sur son propre fuseau horaire, baptisé « heure de Pyongyang ». Un changement qui intervient en ce jour anniversaire du 70e anniversaire de la libération de la Corée de l’occupant colonial japonais. Une façon pour le régime de Pyongyang d’affirmer sa supposée supériorité idéologique sur la Corée du Sud ennemie.

Avec notre correspondant à Séoul, Frédéric Ojardias

Le régime de Pyongyang affirme ainsi réparer l’outrage fait par le Japon : en 1912, l’ancien occupant colonial nippon avait en effet imposé à la Corée son propre fuseau horaire, celui de Tokyo. Et 70 ans après la libération de la péninsule, la haine antijaponaise continue d’être savamment entretenue par la propagande nord-coréenne, qui a déclaré que « les malfaisants impérialistes japonais » « avaient été jusqu’à priver la Corée de son heure standard, tout en piétinant ses terres sans merci. »

A partir de ce samedi, il y a donc une demi-heure de décalage horaire entre Pyongyang et Séoul. Les deux capitales coréennes sont pourtant situées à moins de 200 km de distance, et se trouvent sur deux méridiens très proches.

Dans les années 50, la Corée du Sud aussi avait décidé de remettre ses pendules à l’heure précoloniale mais elle avait fait marche arrière cinq ans plus tard, notamment pour faciliter ses relations avec le Japon et avec son allié militaire américain.

Un contentieux de plus à régler pour Séoul

C’est une décision « regrettable », a critiqué la présidente sud-coréenne Park Geun-hye qui a ajouté qu’il s’agissait là d’un obstacle de plus sur le chemin d’une hypothétique réunification. Le ministère sud-coréen de la Réunification a lui affirmé que ces fuseaux horaires décalés pourraient affecter les opérations du parc industriel de Kaesong, cette zone située au Nord où sont installées des entreprises du Sud.

Ce changement d’heure représente pour les deux Corées un contentieux de plus à régler sur une liste de différences qui ne cesse de s’allonger. Par exemple, Pyongyang n’utilise plus le calendrier grégorien : son an 1 correspondant à la date de naissance de son fondateur, Kim Il-Sung, en 1912…

Ce changement d'heure ne devrait cependant pas affecter les échanges commerciaux de la Corée du Nord avec ses voisins, notamment l’allié chinois. Il existe de nombreux pays qui ont adopté des fuseaux horaires décalés de 30 minutes, comme par exemple l’Inde, la Birmanie, ou le Venezuela.

Supériorité idéologique

Avec ce changement de fuseau horaire, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un s’affirme aussi comme idéologiquement supérieur au voisin du Sud. Pyongyang a répliqué aux critiques sud-coréennes en affirmant que celles-ci témoignaient d’une « flagornerie à l’égard du Japon qui a franchi la limite du tolérable » : ce changement d’heure permet au régime de présenter la Corée du Sud, restée elle à l’heure de Tokyo, comme une vassale de l’ennemi nippon.

Le Nord se pose ainsi comme le seul et légitime représentant de la nation coréenne, comme l’unique dépositaire de l’esprit d’indépendance coréen devenu un élément crucial de sa propagande : depuis que la Corée du Nord, pays totalitaire et ruiné, a perdu le combat économique face au Sud riche et démocratique, il ne lui reste plus à Kim Jong-un que l’argument idéologique. D’où cette utilisation étonnante des pendules et des coucous pour tenter d’affirmer une légitimité de plus en plus chancelante.

→ à (re)lire: La Corée du Nord change d'heure, post du blog «Encres de Chine» de Stéphane Lagarde

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