De notre correspondant à Séoul,
Les victimes de Kim Jong-un sont à la fois de hauts responsables de l’armée, du Parti, mais aussi des chefs en charge de la sécurité de l’Etat. Quelque 40 % des plus hauts gradés militaires auraient ainsi été remplacés, selon les services secrets sud-coréens. Ces informations sont toujours à prendre au conditionnel, parce que la Corée du Sud a intérêt à noircir le tableau. Le ministre sud-coréen de la Réunification avance néanmoins le chiffre de 70 dignitaires exécutés par Kim Jong-un.
C’est beaucoup plus que lors des premières années du règne de son père, Kim Jong-il.
Autre différence avec le passé, soulignée par le spécialiste russe Andrei Lankov : autrefois, une victime d’une purge pouvait être exilée en province, ou expédiée dans une mine. Mais au bout de plusieurs années, elle pouvait être pardonnée et revenir aux affaires. Aujourd’hui, en Corée du Nord, tomber en disgrâce signifie souvent être exécuté. Cela a notamment été le cas en 2013, quand Kim Jong-un a fait disparaître son propre oncle, Jang Song-taek, alors considéré comme le numéro 2 du régime.
Défections en série
Selon Séoul, ces purges ont pour conséquence une série de défections au plus haut niveau. La presse conservatrice sud-coréenne affirme que l’instabilité suscitée par ce règne de terreur provoque des désertions en chaîne de dignitaires nord-coréens et de leurs familles. La chaîne d’information YTN a même annoncé la défection de trois responsables du célèbre « bureau 39 », un département secret chargé de ramener des devises pour la famille des Kim.
Une partie de ces désertions a été confirmée par le ministre sud-coréen de la Réunification, qui a même reconnu que certains de ces transfuges se trouvaient aujourd’hui en Corée du Sud. La Corée du Nord a démenti avec colère. Sa télévision a diffusé des images d’un général que certains avaient déclaré fuyard. Pyongyang a qualifié les assertions sud-coréennes de « propagande nazie » et de « farce conspiratrice » dont l’objectif serait de faire peur à ses élites.
Instabilité nord-coréenne
Alors, faut-il voir dans cette série de purges le signe d’une instabilité au sommet du pouvoir à Pyongyang ? C’est le débat qui agite les observateurs du régime. Kim Jong-un a à peine 30 ans et veut montrer que c’est lui le patron, en passant par les armes tous les dignitaires accusés de questionner son autorité. Il semble aussi chercher à reprendre la main sur son puissant appareil militaire. Certains analystes interprètent donc ces purges comme un signe de renforcement de son pouvoir : le leader suprême se débarrasse de la vieille génération d’apparatchiks militaires et la remplace par des officiers plus jeunes, et surtout plus loyaux à son égard.
Mais d’autres experts, notamment en Corée du Sud, y voient plutôt un signe d’instabilité croissante. Ils estiment que si cela continue, les élites nord-coréennes, qui se trouvent en permanence sous une épée de Damoclès, pourraient se rebeller contre leur leader suprême et organiser un coup d’Etat. Mais il faut rester prudent : le régime des Kim est toujours debout en dépit des pronostics de ceux qui, depuis 20 ans, prédisent sa fin imminente.