Avec notre correspondante à Pékin, Caroline Puel
Il y a en effet une forte part de calcul dans ce rapprochement, mais il faut bien noter qu’il y a des attentes dans les deux sens, des Cubains, comme des Chinois. Au moment de l’effondrement du bloc soviétique en 1991, Cuba s’est retrouvée totalement isolée dans la région, limitée dans son commerce extérieur par l’embargo américain.
La Chine a commencé alors à remplir le vide, mais au début de manière très parcellaire, en fournissant par exemple des bus pour répondre au besoin de transports urbains dans la capitale La Havane et la communauté chinoise, présente depuis plus d’un siècle a commencé à s’étoffer mais dans un contexte général de restrictions sur l’électricité, le carburant et de grande pauvreté.
Les Soviétiques avaient pourtant laissé un très bon tissu industriel et sanitaire ainsi qu’un système éducatif de très haut niveau. On trouvait donc à Cuba des chercheurs de grande qualité, mais désormais payés moins de 30 euros par mois, obligés souvent de devenir guide ou chauffeur de pousse pour survivre. Dans ce contexte, Cuba, dont les installations de défense datent de l’ère soviétique et sont aujourd’hui très obsolètes, aimerait bien que la Chine l’aide à moderniser ses installations.
La Chine de son côté, qui reproche aux États-Unis de la « contenir » en entretenant des relations étroites avec ses voisins comme le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam ou la Birmanie, cherche à son tour à tisser un « collier de perles », selon l’expression chinoise en reprenant la position jadis occupée par les Soviétiques.
Intérêt politique
Cuba comme la Chine fait partie des derniers régimes communistes de la planète. Les deux partis communistes au pouvoir coté chinois et coté cubain font d’ailleurs des échanges d’expérience sur leur mode de gouvernance, mais au-delà, Pékin espère que sa proximité avec Cuba contribuera à rassurer les pays d’Amérique du Sud avec lesquels la Chine compte développer ses relations économiques dans les prochaines années.
La Chine entretient déjà des relations privilégiées, mais parfois compliquées avec le Brésil qui fait également partie du groupe des BRICS, les pays émergents. Cuba pourrait donc devenir une véritable porte d’entrée pour la Chine dans la région.
Coopération économique
Le secteur qui va pouvoir bénéficier de cette coopération économique est avant tout - et comme toujours avec la Chine dans ses relations Sud-Sud - les infrastructures. Une compagnie chinoise est par exemple en train de moderniser le grand port de Santiago de Cuba qui sera capable d’ici trois ans d’accueillir les plus grands navires avec une capacité de plus de 550 000 tonnes de marchandises par an. Santiago deviendra ainsi l’un des plus grands ports de containers d’Amérique du Sud, une enclave très privilégiée à proximité des grandes routes maritimes et sans doute une des futures grandes bases commerciales chinoises dans la région.
La Chine devrait également ouvrir prochainement une ligne aérienne directe Pékin-La Havane qui passera au-dessus du Pacifique et devrait être assurée par Air China, dans le but cette fois de développer le tourisme. Plus de 100 millions de touristes chinois sont attendus dans le monde l’an prochain et un grand golf est en train d’être construit par un autre groupe chinois dans la région qui relie La Havane au centre balnéaire de Varadéro. Et beaucoup d’autres coopérations sont en cours, avec des échanges d’expériences dans le domaine agricole, de la santé, des énergies renouvelables ou des biotechnologies.