Mercredi 8 avril, le régime de Pyongyang a mis à la porte sans ménagement Sandra Suh, une citoyenne américaine qui portait assistance à la population nord-coréenne depuis 1998. Elle a été accusée d’avoir pris des photos et des vidéos dans le but de nuire à l’Etat nord-coréen. Le régime a déclaré que Sandra Suh « avait reconnu ses crimes ». Il a ajouté avoir « généreusement considéré son [grand] âge et décidé de l’expulser ». La semaine dernière, l’ONG allemande Welthungerhilfe, présente en Corée du Nord depuis 1997, a déclaré que sa chef de mission à Pyongyang avait été expulsée par les autorités nord-coréennes, sans aucune explication. Un autre employé a lui aussi été « incité » à partir. L’Allemagne a officiellement protesté.
Des besoins humanitaires flagrants
Selon les témoignages d’expatriés à Pyongyang, ces deux Allemands avaient fait l’objet de menaces, ils avaient été suivis et pris en photo dans la rue ; des filatures qui avaient visiblement pour objectif de leur faire peur. Il est rarissime que les travailleurs humanitaires en Corée du Nord fassent l’objet de telles menaces. Ces trois évictions surviennent alors que les besoins humanitaires sont pourtant très importants. Jeudi 9 avril, les Nations unies ont lancé un appel auprès des bailleurs de fonds internationaux pour récolter 111 millions de dollars afin d’aider la population nord-coréenne. Selon l’ONU, sur 25 millions de Nord-Coréens, 18 millions « ne se nourrissent pas correctement pour vivre en bonne santé » Et 28% des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique.
Des timides réformes agricoles
Depuis l’épouvantable famine qui a ravagé le pays dans les années 90, la situation s’est nettement améliorée. On assiste à une émergence des marchés plus ou moins légaux mais tolérés par les autorités. Ces marchés permettent à la population de survivre. De timides réformes agricoles ont aussi permis d’augmenter les rendements. Mais le système de santé reste en ruine, la malnutrition persiste, et selon l’ONU, 7 millions de Nord-Coréens n’ont pas accès à une eau de bonne qualité. Et le régime de Kim Jong-un est accusé de consacrer ses maigres ressources à son armée et à son programme nucléaire plutôt qu’à l’amélioration des conditions de vie de sa population. Pyongyang tolère aussi difficilement la présence d’organisations humanitaires sur son territoire. En fait, seulement quelques agences de l’ONU, la Croix-Rouge et six ONG européennes réussissent à maintenir une présence permanente en Corée du Nord, avec des effectifs très réduits.
Une aide humanitaire remise en cause ?
Les autorités nord-coréennes font tout leur possible pour limiter au maximum tout contact entre la population et ces travailleurs humanitaire. La présence de ces derniers constitue un démenti cinglant à la propagande officielle, qui assure aux Nord-Coréens qu’ils ont les meilleurs dirigeants du monde. A cela s’ajoute la paranoïa d’un régime qui voit un espion potentiel derrière chaque visiteur étranger. Les travailleurs humanitaires sont donc soumis à des contraintes très dures, notamment pour leurs déplacements en province. Alors que l’économie nord-coréenne s’améliore peu à peu, le régime estime peut-être qu’il peut se passer de l’aide internationale, ce qui expliquerait ces récentes expulsions.
→ Pour en savoir plus :
- Les besoins humanitaires en Corée du Nord, document de l’ONU
- Des photos d’enfants nord-coréens souffrants de malnutrition, photos prises par l’ONG de Sandra Suh
- Plus de détails sur l’Américaine expulsée
- Expulsion de la directrice de l’ONG allemande et protestation de Berlin
- La bande-dessinée de Michaël Sztanke, La faute : une vie en Corée du Nord