Une «appli» pour combler le fossé linguistique entre les Corées

C’est une application étonnante qui vient de sortir en Corée du Sud : elle permet de traduire le sud-coréen… en nord-coréen ! En près de 70 ans de division, la langue coréenne a en effet tellement divergé de part et d’autre de la frontière que les Coréens du Nord et du Sud ont de plus en plus de difficultés pour se comprendre.

L’application qui vient d’être lancée en Corée du Sud est d’abord destinée aux 27 000 Nord-Coréens réfugiés en Corée du Sud. Ces exilés affirment tous que la langue est un obstacle majeur à leur intégration. Ils ne comprennent pas de nombreux mots, notamment techniques, utilisés par les Sud-Coréens.

Installée sur un smartphone, cette application permet de scanner les textes qui posent problème dont elle donne immédiatement la traduction en nord-coréen. « Camarade écriture », c'est son nom, est gratuite et a été mise au point par des ONG caritatives et une grande entreprise coréenne.

Un fossé qui se creuse

En raison de l’absence de tout contact entre les populations des deux Corées, le fossé linguistique ne cesse de se creuser. L’écriture est restée la même à Séoul et à Pyongyang. Mais, suivant que vous vous trouvez au Nord ou au Sud, un mot sur trois utilisé dans la rue serait différent. Et deux mots techniques sur trois sont différents !

Cette divergence linguistique s’est développée aussi rapidement pour plusieurs raisons. Au Sud, la langue s’est enrichie de très nombreux anglicismes, ainsi que de nouveaux mots nés avec Internet. Les jeunes Sud-Coréens continuent d’inventer en permanence un nouvel argot via les réseaux sociaux.

Le poids des anglicismes et d'internet

En Corée du Nord, au contraire, les anglicismes sont bannis. Pour les termes techniques, le régime préfère utiliser des mots d’origine russe, ou des néologismes en « pur » coréen. Pour donner un exemple concret, une glace se dit « ice-cream » - comme en anglais - au Sud, et « orum boseungi » au Nord, ce qui signifie « pâte sucrée ».

Deux chirurgiens, l’un du Nord et l’autre du Sud, seraient aujourd’hui incapables de travailler ensemble. Ces différences expliquent aussi pourquoi les jeunes réfugiés, en particulier, ont du mal à comprendre ce que disent leurs camarades d’école sud-coréens. Ces exilés reçoivent une aide financière de la part du gouvernement sud-coréen, ainsi que des cours d’adaptation à la vie dans une société capitaliste... Ils peuvent donc acheter et utiliser un smartphone. Et cette application de traduction présente aussi l’avantage d’être en permanence mise à jour et enrichie par de nouveaux mots.

On peut d’ailleurs noter que des lexicologues des deux Corées travaillent depuis dix ans à un grand dictionnaire commun pour combler ce fossé linguistique. Mais le projet n’avance pas en raison de la dégradation des relations intercoréennes.

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