Sri Lanka: les familles de disparus de la guerre réclament justice

Six ans après la fin de la guerre civile sri-lankaise, dont le bilan s'élève à près de 100 000 morts en un quart de siècle, des milliers de personnes demeurent disparues et leurs familles réclament aujourd'hui des comptes. Une commission est chargée de récolter des témoignages afin de démarrer des enquêtes. Reportage.

Avec notre envoyé spécial à Trincomalee (nord-est du Sri Lanka),  Sébastien Farcis

« Dossier numéro 6716 : vous nous dites que votre frère a disparu le 6 octobre 1990. Des hommes en civil sont entrés chez vous avec des armes. Ils vous ont dit qu'ils devaient lui poser quelques questions et l'ont emmené. »

Des dizaines de personnes se présentent avec quelques feuilles jaunies, uniques documents qui les relient à leurs proches disparus. Certains suspectent les Tigres tamouls de les avoir enlevés, d'autres accusent l'armée. Peu espèrent les retrouver vivants, mais tous veulent que cette commission d'enquête leur dise ce qui leur est arrivé. Pour pouvoir, enfin, faire le deuil.

Au Sri Lanka, la guerre civile, qui a duré 26 ans et s'est terminée en 2009, a fait près de 100 000 morts. Aujourd'hui, les plaies sont loin d'être refermées, et des milliers de personnes sont toujours portées disparues. Certains ont été enlevés par la guérilla des Tigres tamouls pour combattre dans leurs rangs, d'autres par l'armée pour interrogation et torture, puis abattus.

Aucune enquête en dix-huit mois

Pour leurs proches, cette absence d'information les empêche de tourner la page et de faire le deuil. Il y a dix-huit mois, le gouvernement a donc mis en place une commission pour recueillir les témoignages de ces familles et initier des enquêtes. A ce jour, plus de 20 000 personnes ont déposé devant cette commission. Un nouvel espoir est né chez les victimes. Ce samedi se tenaient les premières auditions depuis l'élection d'un nouveau gouvernement, qui a promis de faire la lumière sur ces disparitions.

Mais en dix-huit mois, ces témoignages n'ont débouché sur aucune enquête judiciaire, ce que dénonce Elil Rajendran, du Forum de la société civile tamoule : « La commission a dit qu'ils avaient transféré certains dossiers auprès du procureur général. Mais nous n'y croyons pas : car l'Etat ne va jamais poursuivre ses propres soldats impliqués dans le meurtre de centaine de milliers de Tamouls. »

Ces militants demandent au gouvernement d'accepter la mise en place d'un tribunal pénal international pour juger ces crimes. Mais le nouveau président a promis qu'il établirait un processus local crédible d'enquête avant septembre prochain, date à laquelle sera rendu le rapport de la commission des droits de l'homme de l'ONU sur le sujet.

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