Attaques au Pakistan: les talibans du TTP refont parler d'eux

Les hommes du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) ont attaqué pour la deuxième fois en deux jours l’aéroport de Karachi, dans le sud du Pakistan. Le premier raid, très meurtrier, avait duré plus de douze heures et fait près de 40 morts, dont les 10 assaillants. La seconde attaque a eu lieu ce mardi 10 juin, en milieu de journée au Pakistan.

La nouvelle attaque était de moindre ampleur : deux à quatre personnes ont tiré au petit calibre sur un poste de contrôle situé à 500 mètres de l’aéroport de Karachi, et elles ne sont même pas parvenues à entrer dans la zone - selon les autorités elles se seraient immédiatement enfuies. Les talibans pakistanais du TTP ont revendiqué l’attaque commise, expliquent-ils, pour venger les victimes des bombardements menés ce mardi par l’armée.

En effet, plus tôt dans la journée, en représailles de la première attaque sur l’aéroport, l’armée avait bombardé la vallée de Tirah, une zone tribale du nord-ouest du pays, connue pour abriter des groupes terroristes - les militaires affirment avoir tué 15 militants. A noter que les talibans avaient déjà mené la sanglante attaque de ce lundi pour venger la mort de son chef tué en novembre dernier par un tir de drone américain.

La « guerre civile » du TPP

Le TPP est né fin 2007 de la réunion d’une trentaine de groupes. Il est proche d’al-Qaïda. C’est le TTP qui mène les attaques les plus violentes dans le pays, le bilan est extrêmement lourd : entre 40 et 50 000 morts en dix ans. Le groupe reproche à l’Etat pakistanais sa collaboration avec les Etats-Unis dans la « guerre contre la terreur » qu’ils mènent depuis le 11 septembre 2001. Lors de son élection il y a un peu plus d’un an, le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif avait promis de négocier avec les talibans pour que ces attaques cessent : l’économie du pays souffre beaucoup de ce climat d’insécurité.

Nawaz Sharif craint également que sa province d’origine, le Pendjab, ne soit, par un jeu de ricochets, déstabilisée s’il enclenche une épreuve de force avec le TPP dans les provinces frontalières de l’Afghanistan où les talibans ont leur base. En février, les négociations ont effectivement commencé, difficilement. Après ces deux attaques sur l’aéroport, elles semblent définitivement enterrées.

L’échec des négociations

Les attentats, auxquels ont immédiatement répondu des bombardements ciblés de l’armée, ont repris un mois après le début des négociations, malgré la mise en place d’un cessez-le-feu. Certains observateurs ont alors commencé à se demander si les représentants des talibans à ces pourparlers contrôlaient vraiment toutes les composantes du mouvement. De fait la mort du chef du TTP en novembre dernier a provoqué une véritable guerre interne : jusque-là, c’était toujours un membre du clan Mehsud, du Sud-Waziristan, qui contrôlait le TPP. Cette fois c’est Mullah Fazlullah, de la région de Swat, qui en a pris la direction.

Le conflit qui a suivi entre les deux factions a fait des dizaines de morts, et le clan Mehsud a finalement fait sécession. Selon les analystes, cette scission serait l’œuvre de l’ISI, les services secrets pakistanais, qui auraient monté les factions les unes contre les autres pour affaiblir le mouvement. L’attaque d’ampleur de ce lundi - 12 heures de combats, une quarantaine de morts -, sur l’aéroport de la grande ville du Sud, montre que le TTP est toujours présent malgré ses difficultés internes. Plus que de venger un chef mort il y a sept mois, l’objectif du TPP était certainement de montrer que sa capacité de nuisance est intacte.

Attaque terrestre ?

Selon un responsable local, des dizaines de milliers de personnes ont fui ces derniers jours le Nord-Waziristan dans le Nord-Ouest, à la frontière avec l’Afghanistan. Les habitants redoutent une opération terrestre de l’armée dans ce bastion du TTP. De fait, une partie de la société civile pakistanaise et les alliés occidentaux du pays appellent Nawaz Sharif à lancer une offensive terrestre pour en finir avec le Tehreek-e Taliban Pakistan. Mais depuis des années Islamabad hésite, par peur de représailles. La question est aussi de savoir si son armée peut mener ce genre d’attaque sans disposer d'une aide de l'autre côté de la frontière afghane, où les talibans peuvent facilement se replier.

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