RFI : Les premières projections qui confortent le statut de favori pour le PDI-P, parti de l’opposition, dans un paysage politique indonésien très éclaté...
Alban Sciascia : Oui, tout à fait. Un paysage indonésien très éclaté, comme vous le dites. Pour l’instant, les premières estimations, les premières projections, montrent que le PDI-P est en tête avec un peu moins de 20 % des suffrages, ce qui est très important par rapport à la campagne politique menée justement par le PDI-P, mais qui est loin de l’objectif qui avait été prévu justement par le PDI-P.
Cela veut dire que la sanction pour le pouvoir n’a pas été à la hauteur de ce que prévoyaient les instituts de sondage ?
Disons que la sanction pour le pouvoir pourrait être vue dans une perspective différente de la nôtre, dans le sens où si vous voulez, cette notion justement de pouvoir et de coalition au pouvoir est relativement volatile en Indonésie. A ce jour bien sûr, le parti au pouvoir a obtenu, je crois, un peu moins de 8 % des suffrages, ce qui est très peu, donc c’est une vraie tension. Mais en contrepartie, l’attente des instituts de sondage qui voyaient une victoire du PDI-P et notamment de son candidat Joko Widodo, est bien loin des premières estimations qui avaient été faites avant la campagne.
Parce qu’en effet en Indonésie les institutions sont telles, qu’il faut qu’un groupe obtienne un certain nombre de sièges au Parlement pour présenter un candidat à la présidentielle...
Oui, tout à fait. Tout parti voulant présenter un candidat à la présidentielle doit obtenir 20 % des sièges à l’Assemblée nationale ou 25 % des suffrages exprimés au niveau national. Si un parti n’obtient pas ces 20 %, il doit se lancer donc dans un processus de coalition. Et il y a bien sûr en ce moment même des négociations et tractations politiques.
Vous parliez justement de cette personnalité montante, l’actuel gouverneur de Jakarta. Qui sont ses alliés potentiels ?
C’est très difficile à dire pour l’instant. C’est très difficile étant donné que lorsque justement, l’actuel gouverneur de Jakarta, Joko Widodo, a annoncé sa candidature, nous avons pu voir ici en Indonésie une multitude de potentiels candidats à la vice-présidence pour l’accompagner, dont certains sont mêmes membres de l’actuelle coalition au pouvoir. Donc il est très difficile de voir exactement la façon dont tout cela va se dérouler. Ce qu’il faut savoir c’est que si Joko Widodo a bien sûr, ses propres accointances avec certains partis, il est quand même prisonnier aussi de son propre parti, et notamment des accords qui pourraient être passés avec les dirigeants du parti.
Il y a aussi des formations qui ont un caractère religieux, confessionnel dans le pays. Quel est leur poids aujourd’hui ?
Leur poids pour le moment, d’après les premières estimations, est relativement minime. Ils vont jouer un rôle prédominant dans les coalitions. C’est ce qui s’est passé notamment en 2009, où le Parti démocrate actuellement au pouvoir, a décidé de s’allier avec une multitude de partis islamiques pour justement consolider sa position avant les élections présidentielles.
Justement, est-ce que ces partis exercent des pressions particulières ? On peut penser à certaines obligations dans les secteurs publics. Est-ce que jusqu’à présent ces partis ont une influence sur des décisions prises par l’Etat indonésien ?
Des influences plutôt minimes on va dire. Il y a eu bien sûr quelques polémiques vis-à-vis des déclarations du ministre des Affaires religieuses qui est issu lui-même justement, de l’un de ces partis, le PPP. Et l’influence en tant que telle, l’influence politique, reste toutefois minime.
On parle souvent, lors des élections dans ce pays du monde, de l’achat de voix, justement des cadeaux qui sont faits aux électeurs. Est-ce que ce type de pratique A été une nouvelle fois constatée à l’occasion des élections qui se sont déroulées aujourd’hui ?
D’après mes informations, l’achat de voix ou tout du moins des cadeaux, c'est-à-dire en fait la plupart du temps dans les quartiers les plus pauvres ; la distribution de T-shirt ou de lunchbox a été beaucoup plus limitée que ça n’avait été le cas en 2009. Beaucoup plus limitée. Ce qui ne signifie pas que cela n'a pas existé.
Quel argument justement, pour comprendre l’échec, même si vous dites que ce n’est pas forcément la claque attendue pour le parti au pouvoir ? Là encore, des accusations, non pas de fraude, mais plutôt de corruption. Est-ce que justement, la presse indonésienne relaie ces accusations ?
Absolument, absolument... La presse indonésienne relaie ces accusations. Une fois que le processus d’accusation a été lancé par la Commission d’éradication de la corruption, ces affaires sont relayées au quotidien dans la presse indonésienne. C’est bien sûr ce qui a desservi le Parti démocrate. Mais il n’y a pas que ça. Il y a ces affaires de corruption, mais il y a aussi sans doute une certaine déception des Indonésiens, qui après deux mandats du président Yudhoyono, ne voient pas forcément une grande évolution.