Thaïlande: deuxième mandat d'arrêt lancé contre Suthep, meneur de la fronde

La tension monte d'un cran en Thaïlande. Des heurts ont eu lieu ce mardi entre manifestants et forces de l'ordres aux abords du siège du gouvernement. Dans les rues de la capitale, des milliers de personnes réclament la démission de la Première ministre, qui refuse de partir. Quant au leader du mouvement antigouvernemental, Suthep Thaugsuban, il est désormais visé par un nouveau mandat d'arrêt pour « insurrection ».

Article mis à jour régulièrement au fil des événements

On a appris qu'un mandat d'arrêt pour « insurrection » a été émis à l'encontre de Suthep Thaugsuban, le leader du mouvement antigouvernemental. Un mandat d'arrêt avait déjà été émis contre lui par la police, mais cette dernière n'était jamais passée à l'acte, probablement pour ne pas envenimer une situation déjà très tendue.

Ce deuxième mandat d'arrêt pour « insurrection » est lourd de conséquences s'il est mis à exécution. Suthep Thaugsuban est passible de la peine de mort ou de la prison à vie et son arrestation risquerait de faire basculer le pays dans la violence.

Suthep Thaugsuban, ancien député du Parti démocrate conservateur, est quelqu'un de très controversé. Il est à l'origine de la violente répression des manifestations des « chemises rouges » qui réclamaient la chute du gouvernement au printemps 2010. L'assaut de l'armée pour mettre fin à deux mois d'occupation s'était soldé par la mort 90 morts et 1 900 blessés. Il est d'ailleurs poursuivi pour meurtre dans ces événements.

Yingluck Shinawatra refuse de plier

Depuis un mois, Suthep Thaugsuban ne cesse d'appeler la cheffe du gouvernement à démissionner. Il a organisé plusieurs actions « coup de poing » en occupant des bâtiments publics et des ministères. Dimanche soir, après avoir rencontré en personne la n°1 du gouvernement, il a lancé un nouvel ultimatum à cette dernière, Yingluck Shinawatra, qui refuse de quitter le pouvoir, du moins pour l'instant, continuant d'appeler l'opposition au dialogue et au calme.

Yingluck Shinawatra s'est d'ailleurs exprimée ce mardi, dans une conférence de presse télévisée. Elle a réitéré son offre de dialogue à l'opposition, tout en refusant de répondre favorablement à la demande que lui avait formulé, en personne et de visu, dimanche soir, Suthep Thaugsuban, à savoir la création d'un « conseil du peuple » non issu d'élections pour réformer en profondeur le système politique thaïlandais.

Ce lundi, le quotidien conservateur The Nation a indiqué qu'une nouvelle rencontre entre Suthep et Yingluck était en cours. Le journal ajoutait qu'une annonce importante devait être faite à l'issue de cet entretien. Depuis, rien n'a filtré.

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Les affrontements se poursuivent autour du siège du gouvernement

Pendant ce temps, la scène qui a cours aux alentours de la Maison du gouvernement est chaotique, rapporte notre correspondant à Bangkok, Arnaud Dubus.

Ce lundi, dans la journée, des milliers de manifestants, affublés de lunettes de plongée et de mouchoirs imbibés d'eau, ont assiègé l'enceinte. Ils lançaient contre les murs des cocktails Molotov et des pierres.

Les policiers retranchés derrière des blocs de béton ont riposté par des volées de grenades lacrymogènes. Un bulldozer piloté par les manifestants est même arrivé pour défoncer des barricades.

Rendez-vous pris mardi à 7h du matin

Parmi les manifestants, un jeune commerçant, Pramuol Pinsoongeun, explique sa colère vis-à-vis du gouvernement :

« Le gouvernement semble ne pas réagir à la situation subie par le peuple. Si l'on considère les événements violents auxquels on assiste, le gouvernement reste inerte, il ne fait pas preuve de responsabilité. Quant à la police, je pense qu'elle n'est ni neutre ni juste vis-à-vis du peuple. Comme vous le voyez, ils tirent sans cesse des grenades lacrymogènes alors que nous avons les mains vides. »

Plus tard dans la soirée, les manifestants se sont retiré des abords de la Maison du gouvernement pour se regrouper dans le centre historique de la ville, en comptant bien recommencer leur assaut contre le siège du gouvernement ce mardi, car l'ultimatum que Suthep Thaugsuban a adressé à la chef du gouvernement court jusqu'à mardi soir.

Le leader du mouvement espère faire tomber le gouvernement d'ici là. Il a demandé ce lundi soir à ses troupes de se mobiliser dès mardi, à 7h du matin pour marcher jusqu'au quartier général de la police.

Quel rôle pour l'armée ?

L’incertitude aujourd’hui, c’est le rôle que va jouer l’armée. Surtout que la Thaïlande a connu 18 tentatives ou véritables coups d'Etat depuis 1932, année de l'établissement de la monarchie constitutionnelle. On observe une certaine réserve de l'armée. Le chef de l'état-major s'est pour la première fois exprimé il y a quelques jours pour dire que la crise devait se régler dans le calme.

C'est comme si les militaires cherchaient à jouer un rôle de médiateur dans ce conflit. Idem pour la police, qui depuis le début essaye de ne pas tomber dans la provocation et d'éviter d'employer une force démesurée contre les manifestants. Le risque vient plutôt d'un conflit direct entre les opposants et les partisans du pouvoir, comme cela a été le cas samedi dernier, où la situation a brutalement dégénéré. Il y a eu quatre morts et plusieurs dizaines de blessés.

Ces événements montrent en réalité une profonde division de la société thaïlandaise.
A l’origine de ce mouvement de protestation, un projet de loi d’amnistie que voulait faire voter Yingluk Shinawatra. Un projet considéré par les opposants comme taillé sur mesure pour permettre le retour de son frère Thaksin.

Depuis qu'il a été renversé en 2006 dans un coup d'Etat, Thaksin vit en exil à Dubaï pour échapper à la prison pour malversations financières. Et même si ce texte a été rejeté par le Sénat, le mouvement n'a cessé de prendre de l'ampleur, de se radicaliser, et de faire remonter à la surface les profondes divisions de la société thaïlandaise.

La haine des riches envers les Thaksin

Les divisions dans la société thaïlandaise sont à l'origine un conflit social. Car d'un côté il y a la bourgeoisie, la classe moyenne, les gens de pouvoir, notamment économique de Bangkok qui haïssent littéralement la Première ministre et son frère Thaksin. Et de l'autre les pauvres, les petits commerçants, les ruraux qui sont fidèles au parti au pouvoir qu'ils considèrent comme le seul à avoir fait quelque chose pour eux.

Jeudi prochain est un grand événement en Thaïlande puisqu'on célèbre l'anniversaire du roi Pumipol Adulyadey qui fête ses 86 ans. Exceptionnellement, l'audience publique de la famille royale et des membres du gouvernement aura lieu à l'extérieur de la capitale. Malgré les tensions à Bangkok, il est peu probable que le chaos se poursuive pendant les cérémonies royales. Le roi est une personnalité révérée par les Thaïlandais, les manifestants marqueront probablement une pause pendant ces festivités.

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