De notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
On ne sait toujours pas ce que Wang Lijun a déclaré aux diplomates américains lors de sa tentative de fuite en février dernier. C’était en tout cas la principale raison de sa présence devant les juges de la capitale du Sichuan ce mardi.
« Secrets d’Etat »
Plusieurs fois repoussé en raison du malaise qui entoure cette affaire au sein du pouvoir, le procès s'est tenu sur le lieu du « crime », autrement dit non loin du consulat américain de Chengdu où Wang Lijun a passé plus de 48 heures, après avoir été limogé par son ancien patron, l’ex-flamboyant secrétaire général de la mégalopole de Chongqing.
L’audience de ce mardi a ainsi été précédée d’une première session à huis clos, car elle « implique des secrets d’Etat », a confié l’une des avocates de l’accusé au journal britannique The Telegraph. Manière de dire aussi que, comme pour le procès Gu Kailai, l’affaire est déjà jouée. « Il s’agit juste d’une procédure formelle pour faire croire qu’il s’agit d’une décision de justice, mais tout est déjà décidé », acquiesce He Weifang.
« Comme Gu Kailai, poursuit ce professeur de droit à l’université de Pékin, Wang Lijun devrait être condamné à au moins 15 ans de prison ou la peine de mort avec deux ans de sursis qui équivaut à la prison à vie. Le tribunal devrait faire preuve de clémence car c’est Wang Lijun qui a révélé les crimes commis par d’autres personnes. Le nom de Bo Xilai ne sera probablement pas évoqué lors de ce procès mais on sent que les fils se resserrent autour de l’ancien chef de Chongqing. »
Après la désertion et le détournement de la loi à ses propres fins, les autres chefs d’accusations étaient à l’ordre du jour.
Des rancoeurs devant les portes fermées
Wang Lijun est notamment accusé d’avoir couvert l’assassinat d’un homme d’affaires britannique par la femme de son ex-mentor. Il est soupçonné d’avoir procédé à des « écoutes illégales » d’autres dirigeants, alors qu’il dirigeait le Bureau de la sécurité publique de Chongqing, la mégalopole du sud-ouest et ses 33 millions d’habitants dont il était devenu maire-adjoint.
A ce poste, il avait fait procéder à des milliers d’arrestations dans les milieux mafieux. Un « nettoyage » de la ville rouge qui lui a valu d’être populaire dans tout le pays jusqu’à sa disgrâce. Wang Lijun a entraîné dans sa chute celle de Bo Xilai. L’ancien secrétaire général du Parti communiste de la municipalité autonome de Chongqing et prochain sur la liste des juges, était lui aussi à son apogée lorsqu’il a été suspendu de ses fonctions au sein du Parti, en mai dernier.
Ce procès ne nous a toutefois pas appris grand-chose sur les raisons de la « défection » de Wang. Une salle de presse avec des bouteilles d’eau a bien été prévue pour les journalistes, mais la presse étrangère n’a pas eu accès à l’audience, indique nos confrères présents sur place. C’est donc devant les portes fermées du tribunal que se sont manifesté les rancœurs. « Wang Lijun est votre leçon à tous », criait ce matin un pétionnaire qui se faisait rembarrer par les agents de la sécurité, a fait savoir sur le réseau social Tweeter l’envoyé spécial du New York Times, sans donner de précisions sur l'identité des « tous » en question.