Affaire Bo Xilai : le procès pour meurtre de Gu Kailai est terminé

Comme prévu, le procès pour meurtre de Gu Kailai, a été expéditif. Ouvert ce jeudi 9 août à Hefei, dans l'est de la Chine, il s'est achevé après quelques heures d'audience, à huis clos. Le verdict sera rendu dans quelques jours. L'accusée est cette avocate à la renommée internationale, dont l’époux, Bo Xilai, qui a donné son nom à « l'affaire », était un cadre très en vue du Parti communiste chinois. Il aspirait à en devenir l'un des cadres les plus puissants. Dans ce scandale, le plus retentissant des vingt dernières années, Gu Kailai est accusée de meurtre d'un homme d'affaires Britannique, et encourt pour cela la peine de mort.

De notre correspondante en Chine, au tribunal de Hefei, Delphine Sureau

Arès une journée de silence où personne n’a rien su des débats, c’est le vice-président de la cour de Hefei qui a pris la parole. Il a fait l’éloge d’un procès équitable et transparent, ouvert aux médias, ce qui a fait sourire car les journalistes étrangers se sont tous vu refuser l’entrée.

Le verdict n’a pas été communiqué. Il le sera dans plusieurs jours, comme c’est souvent le cas dans les procès sensibles en Chine.

La culpabilité de Gu Kailai dans le meurtre de l'homme d'affaire britannique Neil Heywood n’est pas encore reconnue, mais c’est tout comme. Le vice-président de la cour, en lisant le compte-rendu d’audience, a confirmé ce que l’on savait déjà : Gu Kailai avait prémédité l’empoisonnement de Neil Heywood car celui-ci avait menacé son fils.

La défense de Gu a plaidé les circonstances atténuantes, jouant sur la colère d’une mère et un état psychologiquement fragile, mais le vice-président a précisé que Gu avait l’air d’aller très bien tout au long du procès. Elle encourt la peine de mort.

Les Kennedy chinois

Cependant, beaucoup de zones d’ombre demeurent dans cette affaire. Et le fait que le procès se soit tenu à huis clos, sans journalistes, n’aide certainement pas à comprendre la personnalité de Gu Kailai.

Avec son mari Bo Xilai, chef du parti communiste de la plus grande ville de Chine, Chongqing, Gu Kailai formait un couple souvent comparé à celui des Kennedy : riches, puissants, modernes…

A 52 ans, la séduisante Gu Kailai est une avocate d'envergure internationale, issue de l’aristocratie du parti communiste. Tout bascule, en novembre 2011, quand elle empoisonne au cyanure, dans une chambre d’hôtel de Chongqing, le Britannique Neil Heywood, un homme d’affaires proche du couple.

Scénario déjà écrit ?

Que s’est-il passé dans cette chambre d’hôtel ? Mystère… Des sources policières ont déclaré que Heywood était chargé de placer l’argent de Gu Kailai à l’étranger, et qu’il demandait une commission plus importante.

L’accusation officielle a enterré cette version. Pour ne pas avoir à parler d’évasion fiscale et de corruption chez les cadres du parti, elle se contente d’évoquer un conflit économique au cours duquel le Britannique aurait menacé de s’en prendre au fils de Gu Kailai.

Gu Kailai n’a pas choisi ses avocats, commis d’office. Les observateurs pensent que le scénario du procès est déjà écrit, et que cette image de la mère qui défend son petit signifie qu’elle échappera peut-être à la peine capitale. « Si ce [mobile personnel] se vérifie, il est alors acceptable de la condamner à une peine de mort qui ne sera pas appliquée, ou même à 15 ans de prison. Vous concluez un accord avec elle, pour éviter que l’affaire ne devienne encore plus importante », explique Flora Sapio, spécialiste du droit chinois.

Le renouvellement du parti à l'horizon

Ce procès hautement sensible a également beaucoup d’implications politiques. Cette affaire a commencé quand Wang Lijun, le bras droit de Bo Xilai, s’est réfugié dans un consulat américain pour dénoncer d’abord ce meurtre, et ensuite livrer des éléments critiques sur son patron.

S’en est suivi le limogeage de Bo Xilai des instances du parti communiste, lui qui visait l’un des neuf postes du Politburo, la plus haute instance du pouvoir chinois. On ne sait d’ailleurs toujours pas où Bo Xilai se trouve aujourd’hui, ni quand et pour quels chefs d’accusation il sera jugé.

L’affaire secoue en profondeur le PC chinois. Celui-ci doit renouveler ses dirigeants à l’automne prochain. La période est très sensible, alors que les différentes factions du parti se livrent bataille pour savoir qui s’imposera au sommet du pouvoir. Ce n’est vraiment pas le moment de laver son ligne sale en public.

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