Avec notre correspondante au Pakistan, Noémie Lehouelleur
Ghazala Javed, une princesse de la musique pachtoune au destin tragique...
La chanteuse sortait d'un salon de beauté, quand trois hommes armés ont tiré sur ses proches et elle. Ourangzeb a assisté à la scène, depuis sa boulangerie juste en face.
« J'ai entendu les coups de feu. Tout le monde s'est échappé en courant. La voiture de Ghazala était garée là-bas. Nous sommes tous malheureux. Nous l'adorions, pas seulement ici, partout, en Arabie Saoudite, à Dubaï aussi. »
La jeune femme de 24 ans et son père sont morts sur le coup. L'ex-mari de Ghazala et deux complices sont les suspects numéro 1. Pour le commissaire en charge de l'affaire, leur culpabilité ne fait aucun doute.
« Nous ne rencontrons pas de difficulté particulière dans cette affaire parce que l'accusé s'était disputé avec la fille et la sœur de la victime a clairement vu les tireurs, détaille ce dernier. Nous avons enregistré la plainte et Inch'Allah nous les arrêterons bientôt et nous les traînerons en justice.»
Les suspects sont introuvables depuis le meurtre. L'homme voulait que la chanteuse mette un terme à sa carrière, alors elle a divorcé. Pour les enquêteurs, l'affaire se limite à une dispute personnelle mais pour les artistes de Peshawar, ces violences à leur encontre sont trop courantes.
« En face, les gens nous traitent comme des stars, mais derrière notre dos, ils nous insultent, déplore Maria Elias, une jeune chanteuse. Quand on est chanteuse, on reçoit des menaces comme "Tu devrais arrêter de chanter sinon nous te tuerons ou nous t'enlèverons" ».
Dans cette communauté pachtoune du nord du Pakistan, une femme mariée reste à la maison. Elle ne divorce pas. Elle ne chante pas.
Nazir Gul était le professeur de chant de Ghazala : « Les pachtounes adorent la musique mais ils n'aiment pas les chanteurs. Ils ne veulent pas que leurs femmes ou leurs filles soient chanteuses. Ils considèrent que c'est contraire au code de conduite pachtoune. »
S'exposer au regard des hommes, chanter l'amour, un comportement jugé indécent. Le Coran ne condamne pourtant pas le chant. « S'il y a un mariage dans la famille et si c'est un rassemblement de femmes, une femme est autorisé à chanter, explique Khalid Rehman est le secrétaire du Jamaat E Islami, le plus vieux parti politique religieux du Pakistan. En ce qui concerne la mixité des sexes, ce n'est pas autorisé dans l'islam. »
L'indécence semble pourtant faire recette. Depuis la tragédie, les disquaires de la ville passent en boucle les tubes de Ghazala Javed.