François Hollande explique aux militaires français les raisons de leur départ anticipé d'Afghanistan

Le nouveau président français, François Hollande, a effectué sa première visite en Afghanistan ce vendredi 25 mai 2012. Accompagné de son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, et du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, il a immédiatement quitté Kaboul pour se rendre en Kapisa, une région clé du nord-est où sont actuellement stationnés la plupart des militaires tricolores. Son objectif : leur expliquer sa décision de rapatrier d’ici fin 2012, plus tôt que prévu, les « troupes combattantes » françaises.

Dimanche 20 mai 2012, lors du sommet de l’Otan à Chicago, François Hollande avait annoncé que, conformément à l’engagement qu’il avait pris lors de la campagne présidentielle, les troupes combattantes françaises en Afghanistan, soit 2 000 hommes sur les 3 550 militaires français déployés dans le pays, seraient rapatriées en 2012. Un retrait qui intervient un an avant la date fixée par son prédécesseur Nicolas Sarkozy, et deux ans avant la date prévue par le commandement de l’Otan.

Ce vendredi 25 mai 2012, le président et chef des armées François Hollande, a voulu parler directement aux soldats français déployés sur le sol afghan qui, en dix ans, ont perdu 83 des leurs sur le terrain. Il a tenu à leur expliquer ce changement de calendrier. Sitôt arrivé à Kaboul, il s’est donc rendu sur la base de Nijrab, dans le nord-est, une des deux principales bases françaises de la province de la Kapisa, dont la France assure la sécurité avec mille de ses soldats.

François Hollande leur a expliqué ce retrait anticipé en soulignant que la menace terroriste sur le sol de la France et de ses alliés, « sans avoir totalement disparu » avait été « en partie jugulée ». Le président a bien précisé que ce retrait serait « mis en œuvre en bonne intelligence avec nos alliés, notamment avec le président Obama qui en comprend les raisons », et « en étroite concertation avec les autorités afghanes ».
En effet, l’annonce de Chicago avait fait grincer des dents parmi les alliés, François Hollande répétant à plusieurs reprises que ce retrait n’était « pas négociable », et ajoutant ce vendredi que « seule la France peut engager la France ».

Une opération compliquée

De plus, la France va  avoir besoin de ses alliés pour déménager car si, comme François Hollande l’a confirmé ce vendredi, ce sont bien 2 000 hommes qui vont partir d’ici fin 2012, il a aussi précisé que ce seront les troupes restantes qui seront chargées du rapatriement de milliers de tonnes de matériel. Ces 1 500 hommes restants, ce sont des militaires chargés de la logistique, des aviateurs, des pilotes d’hélicoptères, du personnel de santé, et des formateurs (soit 150 gendarmes).

La France va avoir du mal à sécuriser seule le transit du cinquième contingent étranger dans le pays, soit 1 200 véhicules, 1 500 conteneurs et 500 blindés. D’autant plus qu’en ce moment, les conditions sont loin d’être optimales : la voie la plus simple, qui passe par le Pakistan à l’est, a été fermée par Islamabad en novembre dernier à la suite d'une bavure de l’Otan qui avait tué 24 Pakistanais dans un bombardement.

De plus, le sommet de Chicago, où le président pakistanais Asif Ali Zardari avait été invité à la dernière minute, n’a permis aucune avancée sur le sujet. Des négociations entre le Pakistan et l’Otan et entre le Pakistan et la France sont en cours mais pour le moment la situation semble bloquée. Un bloquage qui a lieu pour des raisons peut-être plus politiques, avec un gouvernement civil pakistanais fragilisé par des opposants islamistes qui excitent l’anti-américanisme de la population, plutôt que des raisons financières, le Pakistan demandant 5 000 dollars par conteneur passant la frontière, soit trente fois plus qu’avant, ce que les Etats-Unis jugent « inacceptable ». Et les drones américains, qui régulièrement mènent des attaques sur le sol pakistanais, sont loin d’arranger les choses.

La route du nord

Alors par où le matériel français pourrait-t-il passer ? Logiquement, par la route du nord, via la Russie. Mais pour cela il faut d’abord traverser le nord de l’Afghanistan, sous commandement allemand. C’est sans doute pour cette raison que la chancelière Angela Merkel est aussi attachée à la maxime de l’Otan, « on est arrivés ensemble, on partira ensemble » : elle sait que les Français auront du mal à sécuriser seuls le transit de leur matériel avec des troupes combattantes sur le chemin du retour - et les Américains, qui eux-mêmes vont d’ici la fin de l’année faire passer leurs troupes de 90 000 hommes à moins de 60 000, ne seront pas forcément enclins à prêter des soldats. Durant sa campagne, François Hollande avait indiqué que le retrait du matériel « prendra sans doute plus de temps ».

Une présence « plus civile »

De retour de Nijrab, le président français a rencontré à Kaboul son homologue afghan Hamid Karzaï, qu’il avait déjà vu la semaine dernière à Chicago. Dans la conférence de presse qu’il a donnée dans la foulée, François Hollande s’est concentré sur l’après 2012, avec une France qui serait toujours présente dans le pays mais « différemment », plus tournée vers des aspects « civils et économiques » que militaires.

Une France plus tournée vers la reconstruction du pays : l’éducation, la culture et l'archéologie pour le civil, le logement, les énergies renouvelables, la recherche pétrolière ou encore l’agriculture pour l’économie. Objectif : « permettre aux Afghans d’être auto-suffisants » et probablement, permettre aussi aux entreprises françaises de décrocher de nouveaux contrats, après dix ans de participation des militaires français à cette guerre.

François Hollande confirme ainsi les différents points du Traité d’amitié et de coopération signé en janvier dernier par son prédécesseur Nicolas Sarkozy et par le président Karzaï, lors de sa visite à Paris. Un traité dans lequel la France s’engageait aussi à continuer de former la police et l’armée afghanes après le départ de ses soldats– ce que François Hollande a confirmé une nouvelle fois ce vendredi 25 mai 2012, avant de repartir pour Paris.

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