Barack Obama l’a martelé au sommet de l'Otan : les Afghans « ne seront pas abandonnés » une fois que les 130 000 soldats de la force internationale auront quitté le pays. Effectivement, dans leur déclaration finale, les dirigeants réunis à Chicago se sont engagés à soutenir financièrement l’armée afghane jusqu'en 2024.
Cette armée devrait atteindre le pic de 352 000 hommes en octobre, puis être réduite progressivement à 228 500 soldats après 2014, pour un budget de 4,1 milliards de dollars par an, dont les Etats-Unis ont déjà promis de financer plus de la moitié. Le reste sera payé en majorité par les autres pays membres de la coalition, et l’Afghanistan apportera 500 millions de dollars.
L’objectif est d’éviter un scénario comparable à celui qu’a connu le pays après le départ des troupes soviétiques en 1989. La chute de l’URSS, en 1991, avait entraîné l’arrêt de son aide financière aux troupes gouvernementales et accéléré la chute du régime pro-communiste.
Cette aide financière, doublée d’une aide au développement, suffira-t-elle à assurer la stabilité du pouvoir de Kaboul et à empêcher le retour des talibans ? C’est ce que veut croire Hamid Karzaï. « Les talibans ont encore la capacité de lancer des attaques, de commettre des attentats-suicide, mais pas de venir et de prendre le pays et de le ramener en arrière », a déclaré le président afghan lors du sommet de l’Otan.
En réalité, en dix ans, l’intervention militaire internationale a certes affaibli l’insurrection talibane, mais elle est loin d’être parvenue à en venir à bout. Dans un de ses reportages, il y a quelques jours, notre correspondant à Kaboul Nicolas Ropert expliquait bien la situation en prenant l'exemple de la province de Kapisa d’où l’armée française va se retirer. Une province située entre Kaboul et le Pakistan, où les talibans restent très actifs et contrôlent déjà des villages. Une province où la France a perdu la majorité de ses plus de 80 soldats tués en Afghanistan. Plus généralement, les insurgés ont montré à maintes reprises ces derniers mois qu’ils peuvent frapper n’importe où, y compris dans les zones sécurisées de Kaboul.
Autant dire que le retrait occidental est lourd d’incertitudes pour l’avenir de l’Afghanistan. « La décision des pays de l’Otan est une décision politique et pas opérationnelle, il s’agit d’un pari avec tous les risques que cela comporte », analyse Vincent Desportes, expert militaire et connaisseur du pays.
Les scénarios de l'après 2014
Dans ce contexte, les perspectives politico-militaires pour l’après-2014 sont incertaines. Le scénario idéal, du point de vue de la coalition, est que l’armée afghane parvienne à sécuriser entièrement le pays. Ce qui est peu probable. « Le scénario du pire, c’est une chute quasi-immédiate de Kaboul, qui suppose toutefois que les talibans soient très organisés, ou encore que cette chute intervienne au bout d’un à deux ans, estime Eric Desportes. Un autre scénario serait que le pouvoir actuel contrôle seulement Kaboul et que le reste du pays soit sous le contrôle de différents potentats locaux ».
Une autre possibilité serait que le régime d’Hamid Karzaï, ou de son successeur, parvienne à un accord de partage du pouvoir avec les factions talibanes. A première vue, c’est mal parti. Plusieurs talibans ralliés au gouvernement de Kaboul et chargés des négociations avec leurs anciens camarades ont été assassinés ces dernières semaines et les talibans disent ne pas vouloir discuter avec une « marionnette » des Etats-Unis. Pour autant, les contacts plus discrets ne sont pas rompus. « Et on peut imaginer que les talibans mettent la pression pour négocier en position de force avec le régime de Kaboul », explique Eric Desportes.
Dans ce contexte, le rôle des Etats voisins pour la stabilité future de l’Afghanistan sera déterminant. Le Pakistan arrive en tête, puisqu'il est considéré comme le principal parrain des talibans, qui ont leur base arrière sur son territoire, dans les zones tribales. Un appui qui s’explique par la volonté du pouvoir pakistanais d’enrayer l’influence grandissante de l’Inde, son ennemi juré, sur le régime de Kaboul. Or, sachant que les troupes de la coalition vont quitter le pays fin 2014, ce soutien à l’insurrection afghane n’a aucune raison de s’arrêter puisque cela permet au Pakistan d’envisager une victoire de ses poulains afghans. Ce qui fait dire à certains, comme l’organisation International Crisis Group, que la seule manière de parvenir à la stabilité en Afghanistan serait d’organiser des négociations, impliquant tous les pays voisins, à commencer par le Pakistan, en supposant qu’ils s’engagent réellement dans le processus.