Chen Guangcheng sur RFI: «Je suis inquiet pour ma famille»

Chen Guangcheng attend son passeport pour quitter la Chine. Le militant aveugle des droits civiques s'est évadé de sa résidence surveillée le 22 avril dernier. Il se trouve toujours à l'hôpital, à Pékin, avec sa femme et ses deux enfants. Les autorités chinoises lui ont assuré qu'elles allaient engager des procédures lui permettant de quitter le pays. Il souhaite se rendre aux Etats-Unis pour y faire des études. Mais, en attendant, Chen Guangcheng se sent très isolé et il s'inquiète pour sa famille. Judith Geng de la rédaction chinoise de RFI l'a joint au téléphone.

RFI : Cela fait maintenant une dizaine de jours que vous avez fui votre village, avec du recul comment voyez-vous ce périple ? 

Chen Guangcheng : (rires) Le ciel m'a aidé ! J'ai appris que cette nuit-là, ils étaient 60 gardes pour me surveiller et malgré cela, j'ai réussi à passer entre les mailles du filet sans qu'ils ne s'en aperçoivent. C'était sûrement la volonté divine. C'était tellement surveillé. Les internautes et les journalistes étrangers qui ont essayé de venir ont pu s'en rendre compte. 

RFI : Et maintenant comment vous sentez-vous ? Vous sentez-vous libre ?

C. G. : Je ne suis peut-être pas totalement libre mais ma situation est bien meilleure qu'au village. Ici, au moins, je peux passer ou recevoir des coups de téléphone. J'ai déjà demandé mon passeport mais concrètement je ne sais pas où on en est. Hier, un représentant des autorités chinoises est venu me voir pour me dire que le gouvernement avait clairement dit que le nécessaire serait fait mais je ne sais pas dans quel délai. Je ne peux qu'attendre. En ce qui concerne ma famille, tout ce que je sais c'est que mon neveu est en détention, mon grand frère a reçu beaucoup de menaces mais il n'ose pas parler. Je suis vraiment inquiet pour leur sort. Jusqu'à présent, aucun ami n'a pu venir me voir et ça me manque beaucoup. Depuis que je suis à l'hôpital, je n'ai pas vu les représentants de l'ambassade américaine parce qu'ils n'ont pas eu l'autorisation d'entrer à l'exception d'un médecin venu consulter mon dossier médical, c'était vendredi dernier.

RFI : Qu'allez-vous faire aux Etats-Unis ? 

C. G. : Je vais me reposer. Vous savez depuis sept ans, chaque jour, chaque minute, je suis dans une lutte incessante et dans une situation extrêmement difficile. J'ai réellement besoin de faire une pause. Par ailleurs, ces dernières années, je n'ai pas pu m'informer, étudier et pourtant nous vivons à l'ère de l'information. J'ai vraiment besoin de me ressourcer.

RFI : Certains vous suggèrent de porter plainte contre ceux qui vous ont violenté, et qui ont aussi violenté votre famille. Qu'allez-vous faire ?

C. G. : Je l'ai déjà dit dans la vidéo que j'ai adressée au Premier ministre, il faut arrêter immédiatement cette persécution totalement injustifiée contre moi et ma famille notamment mon frère et mon neveu. Il faut nous garantir nos droits civiques. Je demande l'ouverture d'une enquête approfondie et transparente sur les agents de la province de Shangdong, quelles que soient leurs positions et leur nombre. Enfin je demande à être dédommagé pour les torts subis. Ils m'ont assuré qu'une enquête allait être ouverte mais qu'ils avaient besoin de temps. Il faut que l'on reste vigilant. 

RFI : Ces dernières années vous avez rencontré beaucoup de difficultés et payé le prix fort, allez-vous continuer votre lutte ?

C. G. : On ne peut pas renoncer à ses droits, tout simplement parce que personne ne vous les offre sur un plateau. Quand quelqu'un viole vos droits, vous êtes la première et la dernière personne à les défendre.

RFI : Si vous partez en Amérique, vous n'avez pas peur de ne pas pouvoir revenir en Chine ?

C. G. : Impossible ! Il s'agit d'un accord entre nos deux pays qui garantit mes droits civiques et ma liberté. J'ose espérer qu'un tel accord sera respecté.

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