Les Américains se disent rassurés sur le sort du dissident chinois Chen Guangcheng

La Chine a accepté de donner au plus vite des « documents de voyage » à Chen Guangcheng ce vendredi soir d'après le porte parole du département d’état américain Victoria Nuland. Ses propos se veulent rassurant alors qu’Hillary Clinton est à Pékin dans le cadre du dialogue stratégique entre les deux pays, et que cette nuit encore, le dissident aveugle en a appelé directement au Congrès américain, disant craindre pour sa famille et demandant à quitter la Chine. Ce soir, la secrétaire d’Etat américaine s’est dit à nouveau confiante sur la possibilité pour le dissident d’aller poursuivre ses études aux Etats-Unis.

Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde

Les négociations sur le sort du dissident aveugle se sont poursuivies toute la journée. On ne sait pas si les Chinois ont obtenu des concessions en échange, mais pour la secrétaire d’Etat américaine en tous cas, « au terme de cette journée, des progrès ont été fait pour aider Chen Guangcheng à connaitre le futur qu’il désire. Nous resterons en contact avec lui jusqu’à la fin de ce processus », a conclu Hillary Clinton qui appuie sa confiance sur deux éléments survenus un peu plus tôt dans l’après-midi.

Etudes aux Etats-Unis

Non seulement l’ambassadeur américain Gary locke et un médecin américain ont pu revoir Chen Guangcheng à l’hôpital, mais surtout le ministère chinois des Affaires étrangères a fait savoir dans un communiqué officiel que Chen Guangcheng  demande d'aller étudier aux Etats-Unis et notamment à l’université de New York qui lui a déjà adressé une lettre d’invitation.

Autres signes rassurants, les soutiens de Chen Guangcheng ont fait leur réapparition et notamment la professeur d’anglais qui était venu le chercher en voiture pour l’emmener à Pékin lors de sa fuite, il ya un peu plus d’une semaine.  He Peirong est rentrée chez elle. « Je ne parlerai pas à la presse mais je n’ai pas été brutalisée », a-t-elle fait savoir sur son compte Twitter en début d’après-midi. Enfin autre élément important, le nom du dissident longtemps censuré était de nouveau accessible sur le plus important des réseaux sociaux en Chine, Sina.weibo, dans la journée.

Sécurité renforcée autour de l’hôpital

Ce qui ne veut pas dire que le dissident est sorti d’affaire. « Ces bonnes intentions peuvent disparaitre dès que les Américains seront repartis », confiait à RFI cet après-midi un jeune activiste près de l’hôpital Chaoyang de Pékin où se trouve toujours Chen Guangcheng, son épouse et une partie de sa famille.

Peut-être pour anticiper la venue annoncée sur internet de groupes de soutien au dissident, la sécurité aux abords de l’établissement a été renforcée dans la matinée, avec au moins deux camionnettes noires de la police armée, un Humvee de télésurveillance, probablement pour écouter les télécommunications et de nombreuses voitures de police.

Le minsitère des Affaires étrangères a fait savoir que comme tout citoyen chinois, Chen Guangcheng pouvait faire une demande d'étude à l’étranger, mais il n’a pas dit qu’elle serait acceptée rappellent inquiets les amis du dissidents sur internet. Le passeport de Chenguangcheng est resté à Dongshigu, le village ou sa famille est persécutée par les autorités depuis sept ans. D’où peut-être les nouveaux « documents de voyage » qui doivent être accordés « au plus vite » à « l’avocat aux pieds nus », selon le porte-parole du département d'Etat américain.

Pari risqué

Hillary Clinton qui quitte la capitale chinoise demain matin joue gros sur cette affaire. En acceptant que Chen Guangcheng sorte de l’ambassade pour retrouver sa famille à l’hôpital mercredi, la diplomatie américaine s’est basée sur la confiance retrouvée avec Pékin car c’était aussi « prendre le risque de renvoyer le dissident dans la bouche du dragon », a expliqué récemment Jérôme Cohen, l’un des meilleurs spécialistes du droit chinois à l’université de New York.

Toute la question est donc de savoir si l’accord passé entre Washington et Pékin suffira à garantir la sécurité de Chen et de ses proches. Après des années de persécutions, « l’avocat aux pieds nus » ni croit pas. De sa chambre d’hôpital, il en appelle à Hillary Clinton, au président Obama et maintenant au Congrès américain : « J’ai peur pour la vie des membres de ma famille, a-t-il affirmé (…), je veux aller aux Etats-Unis ». Les heures qui vont précéder le départ de la délégation officielle américaine promettent donc d’être agitées.

Ministère des Affaires étrangères contre sécurité publique

Ce matin, un « officiel chinois envoyé par le gouvernement central est venu me voir avec des fleurs », affirme encore le dissident sur Voice of América pour, disait-il, écouter et vérifier les souffrances subies par ma famille.

Comme à chaque fois en Chine, le problème est de savoir qui va l’emporter entre le ministère chinois des Affaires étrangères qui, semble-t-il, a passé un accord avec les Américains, et les responsables du puissant appareil de sécurité publique humiliés par la fuite de l’aveugle le plus célèbre de Chine. Le fils de Chen Guangcheng, Chen Kerui, fête aujourd’hui ses 11 ans. Il n’a quasiment jamais vu son père pendant les sept ans qu’a duré sa captivité. 

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