De notre correspondant à Pékin,
Au pays de la presse harmonisée, la moindre turbulence sur Internet est interprétée comme un signe de grande nervosité des autorités. 10h40 ce jeudi 12 avril au matin, les Weibos –réseaux sociaux- s’embrasent. La plupart des sites étrangers ne sont plus accessibles. Les boîtes emails Yahoo, Gmail et Hotmail ne fonctionnent plus. Les spéculations les plus folles courent sur la Toile. Certains évoquent alors une coupure en prévision du départ de la fusée nord-coréenne, d’autres un black-out décidé au sommet de l’Etat, d’autres encore une « opération de maintenance » sur le portail de China Télécom. RFI a tenté de joindre l’entreprise à 5 reprises et à 5 reprises on nous raccroche au nez ! Impossible donc de dire ce qui s’est passé exactement.
Restrictions et révélations
Seule chose certaine, depuis maintenant un mois les pressions se multiplient sur les principaux opérateurs. Après la fermeture des commentaires sur Weibos lors des trois jours de la fête des morts début avril, le gouvernement a cherché à étouffer la polémique en annonçant officiellement l’exclusion des instances dirigeantes de l’un de ses membres les plus charismatiques. Une éviction doublée de révélations sur la femme de Bo Xilai soupçonnée « d’homicide volontaire » dans la mort d’un homme d’affaires britannique.
Ces soupçons ont d’abord fuité dans le Wall Street Journal qui, on le sait maintenant, tenait ses informations de sources au sein du pouvoir central. Le Wall Street Journal qui a toutefois attendu la dépêche officielle pour pouvoir dérouler le récit des heures ayant précédé la mort du Britannique dans l’édition de ce jeudi 12 avril. Le gouvernement central s’est vite rendu compte que ces révélations ne pouvaient « arrêter le déluge », comme l’a expliqué dès mercredi le China Real Time. La dépêche de Chine Nouvelle annonçant l’éviction de Bo Xilai a en effet été repostée 50 000 fois dans les quinze minutes qui ont suivi sa publication.
210 000 messages effacés
La preuve encore que l’on n’interrompt pas si facilement une conversation entre 300 millions de micro blogueurs : depuis deux jours, les internautes redoublent de questions sur ce scandale politique qui secoue l’appareil d’Etat. D’où le nouveau rappel à l’ordre de l’éditorialiste de Xinhua ce jeudi : « La liberté de parole ne nous protège pas de la rumeur », titre l’agence officielle avant de dresser le bilan du ménage réalisé ces derniers jours par les cybercenseurs. Depuis la mi-mars, 42 sites ont été fermés, 210 000 messages ont été effacés. Des chiffres qui s’ajoutent aux 1 000 personnes arrêtées depuis le mois de février et aux 3 000 sites rappelés à l’ordre pour propagation de « fausses nouvelles ». Une reprise en main de plus en plus difficile avec ce caillou dans la chaussure qui a fini par déformer la marche du Parti. Le caillou, ce sont les « rumeurs » sur Internet justement, qui notamment sur ce dossier Bo Xilai, ont dit juste, et ce, bien avant les médias officiels.