Exclusion de Bo Xilai du PC chinois: «un tournant important dans l'histoire politique chinoise»

Mardi 10 avril 2012, Bo Xilai, l'ex-étoile montante du régime, a été exclu du comité central du Parti communiste chinois. L'agence de presse officielle chinoise a rapporté de « sérieuses violations de la discipline ». Son épouse est également suspectée du meurtre d'un homme d'affaires britannique. Pour Li Weidong, ancien rédacteur en chef du magazine China Reform et spécialiste de la politique chinoise, « cette affaire constitue un tournant important dans l’histoire politique chinoise ». Entretien.


RFI : Bo Xilai a été démis de ses fonctions au sein des instances dirigeantes du Parti. Avez-vous été surpris par cette annonce ?

Li Weidong : Non, et c’est un résultat tout à fait logique. Je trouve même que cela arrive un peu tard. Il y avait déjà tellement de rumeurs que ça en devenait gênant. Il faut bien sûr éviter que cela ne se reproduise. Espérons que les autorités feront davantage preuve de transparence et d’ouverture à l’avenir pour diminuer les pressions au sein de la société chinoise.

RFI : Quel peut-être l’impact de cette affaire sur le régime ?

L. W. : Difficile à dire. Mais ce qui est sûr, c’est que cela marque un tournant important dans l’histoire politique chinoise. Cela me fait penser à l’affaire du « 13 septembre » [Lin Biao décédé dans un crash d’avion alors qu’il tentait de fuir à l’étranger après sa rupture avec Mao, ndlr]. Bien sûr, la position de Bo Xilai n’est pas aussi haute que celle qu’occupait Lin Biao au sein du Parti. Mais on remarque que Bo Xilai a essayé de rejouer la musique de la Révolution culturelle, avec le risque de faire reculer la Chine après 35 ans d’ouverture économique. Son propre succès et son ascension fulgurante ont fini par devenir une impasse. C’est donc un épilogue effectivement très signifiant pour la Chine.

RFI : Avec quelles conséquences sur le Parti ?

L. W. : Bien sûr la chute de Bo Xilai ne veut pas dire que le gouvernement se précipitera pour faire des réformes politiques ou mettre en place une démocratie à l’occidentale voulue par les intellectuels, mais les choses pourraient évoluer vers davantage d’ouverture après le XVIIIe Congrès. En même temps, l’histoire peut prendre des détours. Si le courant représenté par Bo Xilai est en recul, cela ne veut pas dire qu’il a totalement disparu avec cette affaire.

RFI : Et pour Bo Xilai lui-même ?

L. W. : Cela dépend du contexte après le prochain Congrès, mais d’après ce que l’on sait de son caractère, s’il parvient à passer cette épreuve, il est possible que dans plusieurs années il redevienne un leader d’opinion. Aujourd’hui, il était marqué à « gauche » [conservateur, ndlr] mais c’est aussi un créneau politique qui servait ses ambitions. Demain il peut tout à fait basculer à « droite » chez les réformateurs. Yang Fan, professeur à l'Université du droit et de la justice à Pékin, l’appelle le « Boris Eltsine de gauche ». Pour ce genre de politicien, ce n’est pas la doctrine qui importe. Ce qui compte, c’est l’occasion à saisir.

RFI : Que pensez-vous des soupçons d’homicide volontaire qui pèsent sur son épouse ?

L. W. : C’est à l’enquête de le dire, mais il faut quand même rappeler qu’en Chine de nombreux chefs d’entreprises et de très nombreux officiels ont des problèmes à cause de leur famille. Cela démontre qu’au sein de ce corps d’élite, certains ne pensent qu’à passer le pouvoir à leur fils par exemple. Ils ferment les yeux sur les manquements au devoir, voire les fraudes commises par leurs enfants et cela crée des problèmes. Il y a encore beaucoup de féodalisme au sein de ce groupe.

Partager :