De notre correspondant à Pékin
C’est une nouvelle version du « Parti ou le chaos » qu’a redonné Hu Jintao, vendredi 1er juillet, devant les représentants du Parti communiste chinois (PCC) rassemblés au Grand Palais du peuple à Pékin. Un discours retransmis sur la plupart des chaînes chinoises et dans de nombreuses entreprises avec des séances télé spéciales anniversaire. « Sans stabilité, rien ne peut être accompli et les réalisations que nous avons effectuées seront perdues », a déclaré Hu Jintao lors de son discours d’une heure et dix minutes. Il aura été, comme le relève ce samedi 2 juillet le quotidien chinois Huanqiu Shibao, « ponctué par 23 salves d’applaudissements devant plus de 6 000 participants […] alors que des millions de personnes étaient à l’écoute dans toute la Chine, le discours étant retransmis en direct sur le réseau de la Télévision centrale de Chine ».
« Difficultés de croissance »
Si Facebook n’était pas censuré en Chine, le PCC aurait probablement 80 millions de « joyeux anniversaire » sur sa page. Car un Chinois sur dix-sept appartient désormais à cette organisation. Fondée en 1921 à Shanghai, elle dirige le pays depuis maintenant 62 ans. « Au cours des dix premiers jours du mois de juillet 1921, douze intellectuels d'avant-garde venus des quatre coins de la Chine se réunirent d’abord en secret dans une maison de ville à Shanghai et ensuite sur un bateau sur le lac Nanhu, non loin de la métropole industrielle, rappelle ainsi le Quotidien du Peuple. Au cours de ce premier congrès, il fut décidé de fonder officiellement un nouveau parti politique en Chine… »
Mais l’expansion du nombre d’adhérents ne garantit par pour autant que le PCC passera le cap du siècle. « L’avenir est radieux, mais la route est sinueuse », disait Mao Zedong. Un adage que partage l’actuel président chinois. « Le parti dans son ensemble fait face à des difficultés de croissance », a estimé vendredi 1er juillet Hu Jintao évoquant des « défis nouveaux afin de renforcer la capacité du parti à résister à la corruption et aux risques ».
Un appel aux jeunes
Plus d’un quart des membres du PCC sont âgés de plus de 60 ans. L’absence de Jiang Zemin vendredi 1er juillet à la cérémonie a donc été remarquée, notamment par les médias de Hong-Kong, et a relancé les spéculations sur l’état de santé de l’ancien secrétaire général. Le chef de l’Etat a d’ailleurs lancé un appel aux jeunes qui « représentent l’avenir à la fois de la Chine et de son peuple » mais aussi « l’avenir et l’espoir du parti ».
Néanmoins, le vieillissement des cadres n’est pas le principal souci du pouvoir chinois. L’ennemi numéro un, c’est la corruption qui nourrit les colères sociales et « va réduire le soutien et la confiance du peuple dans le parti », a encore insisté le chef de la deuxième économie mondiale. La ligne à grande vitesse Pékin-Shanghai a, par exemple, transporté ses premiers passagers vendredi. Décrite par les médias comme le symbole de la Chine moderne, elle a pourtant été entachée par les pots-de-vin versés sur son passage. Et a coûté son poste à l’ancien ministre des Chemins de fer. Liu Zhijun est en effet accusé d’avoir détourné près de 150 millions de dollars.
« Folklore rouge »
Cette crise d’identité est née avec la politique d’ouverture il y a trente ans, suivie par un enrichissement rapide mais encore inégal de la population. La campagne de chants rouges lancée depuis la ville de Chongqing au sud-ouest du pays s’accompagne ainsi de discours sur un retour aux valeurs morales d’un parti fondé à l’origine pour « servir le peuple ». Un crédo repris dans les séries télévisées comme dans la grosse production chinoise de l’année. A la gloire du parti, « Début d’une grande renaissance » est à l’affiche dans plus de 7 800 salles. Des images, des chants, des danses et même des poèmes à l’école qui s’accompagnent parfois de relents nationalistes entretenus par l’extrême gauche. Minoritaire dans le parti, elle a visiblement su convaincre puisque la campagne a été étendue à tout le pays.
Même le Heilongjiang voit rouge. Depuis vendredi, cette province frontalière avec la Russie (nord-est) organise à son tour un concours de chants révolutionnaires et traditionnels. L’événement doit se poursuivre jusqu’à la fête nationale du 1er octobre prochain. Un « folklore rouge » qui frôle parfois l’absurde avec ces Jeux Olympiques rouges organisés dans la province du Gansu (nord-ouest). A la clé, des épreuves de lancer de grenades ou de parcours de vitesse sous des barbelés.
60 000 ampoules
Pendant ce temps, la capitale rayonne de mille feux. Depuis vendredi, des éclairages spéciaux ont été installés sur les 2e, 3e et 4e périphériques tandis que les principaux monuments ont droit eux aussi à des illuminations dignes de la fête nationale. Un anniversaire rouge et or avec des drapeaux partout dans les rues ainsi qu’une faucille et un marteau, symbole du communisme, reconstitué avec… 60 000 ampoules sur la place Tiananmen.
Un train, un pont mais pas de porte-avions
Cette campagne d’auto-promotion devait s’accompagner de symboles. Jeudi 30 juin, le Premier ministre Wen Jiabao a parcouru une cinquantaine des 1 318 km de la nouvelle ligne Pékin-Shanghai.
Les 90 ans de la fondation du PCC coïncident également avec l’inauguration du « plus long pont du monde » (41,58 km) qui relie le port de Qingdao (est) au district industriel de Huangdao. Avec là encore des chiffres impressionnants : quatre ans de travaux, plus de 10 000 ouvriers employés sur le chantier et l’équivalent acier de 65 Tour Eiffel pour la structure, qui serait capable de résister à un tremblement de terre de niveau 8, selon les autorités.
Le premier porte-avions n’est en revanche pas sorti de la rade de Dalian au nord-ouest du pays, contrairement à ce que laissait entendre la rumeur sur internet. D’après les images diffusées par la chaîne de Hong-Kong Phoenix Tv, des Algéco sont encore installés sur le ponton. Signe que l’ancien porte-avions soviétique n’est pas encore tout à fait prêt à naviguer sous le pavillon rouge de la Chine. Cela n’empêche pas les spéculations. Certains évoquent déjà sur internet la date anniversaire de la fondation de l’Armée populaire de libération, le 1er août prochain.
Un train, un pont et peut-être demain un porte-avions… Le tout dans l’harmonie des commémorations. « Sans stabilité rien ne peut être accompli », a répété Hu Jintao. Une manière aussi de rappeler que si on peut chanter des chants révolutionnaires en Chine, il n’est surtout pas question de faire la révolution.