Élections législatives à haut risque en Thaïlande

Les Thaïlandais sont invités à se rendre aux urnes ce dimanche 3 juillet 2011 pour élire les 500 députés qui composent la Chambre des représentants. Le parti d’opposition Peua Thai, pro-Thaksin Shinawatra, l'ex-Premier ministre en exil, est favori dans des sondages face aux démocrates au pouvoir. L’élection s’annonce à haut risque.

Cinquante-sept partis participent aux élections du dimanche 3 juillet en Thaïlande. Mais l’essentiel se joue entre deux grands partis. D'un côté le Parti démocrate du Premier ministre Abhisit Vejjajiva, soutenu par l’armée et les élites de Bangkok ; de l'autre le parti d’opposition Peua Thai mené par Ying Luck, sœur cadette de Thaksin Shinawatra et soutenu par des « chemises rouges » et la masse paysanne. Dépassé dans les sondages par le parti d’opposition, Abhisit Vejjajiva recherche un véritable mandat électoral après avoir conquis le pouvoir fin 2008 à la suite de décisions de justice et de renversement d’alliances parlementaires.

Le parti Peua Thai est dirigé en sous main par l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra depuis son exil et emmené par Ying Luck, à la fois tête de liste et première femme candidate au poste de chef de gouvernement. Ying Luck Shinawatra et son parti saisissent fort bien les raisons de sa popularité, car sa campagne électorale mise presque exclusivement sur l'héritage de son frère. Ying Luck, 44 ans, favorite des sondages, est une néophyte en politique. Elle n'a jamais occupé le moindre mandat électif mais elle n'a mis que quelques semaines à devenir la principale rivale du Premier ministre sortant Abhisit Vejjajiva.

Des craintes de guerre civile

Selon un sondage de l’institut Suan Dusit Poll effectué sur les 102 994 électeurs thaïlandais, le parti Peua Thai est plus populaire que le Parti démocrate, à l’échelle nationale comme à Bangkok, avec 51,5% d’intentions de vote. Reste à savoir si ce sondage sera confirmé lors du scrutin du 3 juillet. Les conséquences de ces changements pourraient être déterminantes dans le résultat des élections. Le scrutin s'apparente donc, encore une fois, à un vote pour ou contre Thaksin, personnage incontournable de la politique thaïlandaise. Alors que le Peua Thai a évoqué une amnistie pour tous les hommes politiques condamnés, dont l’ex-premier ministre Thaksin, les démocrates ont crié au scandale.

Abhisit Vejjajiva a jugé qu’il était temps de se débarrasser du « poison Thaksin », et a évoqué une possible guerre civile en cas de retour de celui que les élites de Bangkok considèrent comme un ennemi de la monarchie. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a lancé un appel à des élections équitables, crédibles, pacifiques et transparentes afin de contribuer à la conciliation nationale. Il a averti toutes les parties en présence d’éviter toute violence et de respecter la volonté du peuple exprimée démocratiquement.

Au mois d’avril 2010, la crise politique s’était achevée par plusieurs jours de guérilla urbaine et un sanglant assaut militaire. Au moins 90 civils et militaires avaient été tués et 1 900 blessés. De nombreux observateurs étrangers craignent que des violences surgissent avant, pendant ou après l’élection. Les craintes sont vives par ailleurs que l’armée, qui se prétend être neutre et se pose en protectrice de la monarchie, n’intervienne dans le processus électoral dans un pays qui a connu 18 coups d’Etat en près de 80 ans, dont le dernier en 2006 contre le gouvernement Thaksin Shinawatra.

Le système favorable aux démocrates

Le chef de l’armée, Prayut Chan-O-Cha, pro-monarchie et anti-Thaksin, a plusieurs fois promis de ne pas se mêler des élections et de respecter les résultats, mais il s’est livré récemment à une attaque à peine voilée contre l’opposition, en exhortant les Thaïlandais à soutenir les « bonnes personnes » le 3 juillet, sans citer de noms. Les démocrates au pouvoir ont changé la loi électorale ces derniers mois. Ils augmentent le nombre total des députés à 500 élus dont 375 sont élus au suffrage direct par circonscription et 125 élus à la proportionnelle par liste.

La loi électorale a été révisée dans un sens qui devrait être favorable au Parti démocrate, car le nombre de députés élus dans les circonscriptions a été diminué au profit de députés élus sur des listes de partis. Cette réforme électorale favorise le Parti démocrate d’autant plus que le parti d’opposition, le Peua Thai, a été très affaibli par la condamnation à l’inéligibilité de plus d’une centaine de ses principaux dirigeants depuis le coup d’État de 2006. Le Peua Thai cherche à contourner cette faiblesse en s’appuyant sur la popularité de l’ex-Premier ministre Thaksin qui reste forte dans le pays.

Le résultat officiel de l’élection devrait être annoncé dans les sept jours ouvrables suivant le jour du scrutin, soit entrele  4 et le 12 juillet. Selon la Constitution du royaume de Thaïlande, la nouvelle Chambre des représentants tiendra sa réunion inaugurale dans les 30 jours suivant l’élection, soit le 2 août. La Chambre devra ensuite procéder à l’élection du Premier ministre dans les 30 jours après sa première session, soit pour le 1er septembre 2011, si tout le processus se déroule sans incidents.

Partager :