L’accident de Fukushima a fait prendre conscience des dangers du nucléaire à l’opinion chinoise

En ce jour anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, quelles sont les craintes autour de la question nucléaire ? Depuis l’accident de la centrale japonaise de Fukushima-Daichi, l’opinion chinoise s’interroge et les autorités se voient contraintes de communiquer sur la question.

De notre correspondant en Chine.

Comme pour l'ensemble des pays voisins du Japon, il y aura un avant et un après Fukushima dans l'opinion chinoise. La Chine, c’est pour l’instant 13 centrales nucléaires seulement quand 80 % de l’énergie qui éclaire les villes et fait tourner les usines sont issus du charbon. Les chinois avaient peu conscience du risque nucléaire avant le 11 mars 2011. Tchernobyl en 1986, c’était loin ! Aujourd’hui, le danger s’est rapproché et l’accident japonais est à la fois une révélation mais aussi un catalyseur des peurs encore non exprimées.

« Panique du sel »

C’est ce qu’on a appelé ici la « panique du sel ». Pendant les deux semaines qui ont suivi la catastrophe, les rayons des supermarchés ont été dévalisés notamment sur la côte est du pays tournée vers Taiwan, la Corée et plus loin le Japon. Plus un gramme de sel malgré les appels au calme du gouvernement. Malgré aussi la ligne d’information gratuite mise en place par les autorités régionales, la rumeur a été plus forte. Les consommateurs chinois se sont rués sur les sachets, persuadés que cela limiterait les effets de la radioactivité sur la tyroïde. Une rumeur sans fondement puisque bien évidemment le sel vendu dans le commerce ne peut se substituer aux pastilles d’iode prévues à cet effet.

Communication officelle

Chose rare en Chine, les autorités ont été contraintes de communiquer. Le ministère chinois de l’Environnement affiche sur son site les taux de radiation mesurées dans l’air et au sol. Les relevés étaient quasi quotidiens suite à la catastrophe, ils sont désormais plus espacés. Des traces de Césium ont été détectées notamment dans le riz du Heilongjiang, au nord-est, près de la frontière nord-coréenne. Les fuites radioactives en provenance du Japon ont aussi touché les épinards du Guangdong, les laitues du Jiangsu, les betteraves, les poissons, mais à des doses « extrêmement faibles » et « sans danger pour la santé », affirme l’agence chinoise de sureté nucléaire. Une agence relayée par le centre des maladies infectieuses à Pékin qui, trois semaines après an avoir fait la demande, a autorisés RFI à suivre l’une des équipes chargées des mesures de radioactivité dans l’eau consommée par les habitants de la capitale.

Les autorités se veulent rassurantes. Le débat autour de la sécurité nucléaire, très vif au lendemain de la catastrophe, est désormais retombé. Une grande partie de l’opinion est résignée et semble faire confiance aux bulletins officiels. Sur internet, certains continuent toutefois d’afficher leur méfiance. Un certain monsieur Wang, qui habite à quelques centaines de mètres de la centrale de Qinshan dans le Zhejiang, affirmait ainsi début avril sur un forum : « S’il y a une fuite, on ne sait pas du tout quoi faire (…). Aucun plan d’évacuation n’a été prévu ! ». « D’ici à 2015, Shanghai aura besoin de plus de 1 000 nouveaux spécialistes formés par an autour des questions de sûreté nucléaire, ajoute un autre. On est pour l’instant à un peu plus de 100 étudiants formés chaque année ».

Débat sur les centrales de deuxième et troisième générations

Une résidence sans ascenseur, des murs en béton, les bureaux de Greenpeace à l’intérieur du deuxième périphérique accueillent une pépinière de jeunes sortis des meilleures universités de la capitale. Comme partout dans le monde, le service de communication de Greenpeace China occupe l’un des espaces les plus importants. Sur les présentoirs, des prospectus mettent en avant les dernières campagnes contre la dépendance aux charbons, sur la sécheresse et la promotion des énergies vertes.

Rien en revanche sur la question nucléaire, qui visiblement n’était pas une préoccupation de l’organisation écologique jusqu’à présent. « La catastrophe au Japon a été un signal d’alarme, explique Li Yan, responsable du projet énergie. On sait désormais qu’un tel accident peut arriver partout ailleurs y compris chez nous. La Chine projette de construire plus d’un millier de centrales nucléaires dans les prochaines années, sur les côtes mais aussi à l’intérieur du pays près des fleuves. Or il y a un fort risque sismique en Chine. Le gouvernement doit faire preuve de transparence et renforcer la structure protective de nos futures centrales ».

Le débat porte donc aujourd’hui non pas sur la poursuite, ou non, du programme nucléaire mais sur la sureté des installations chinoises. Le moratoire sur les nouveaux projets, décrété après l’accident de Fukushima, n’est plus à l’ordre du jour, confiait récemment un expert au China Daily. 36 projets sont en cours dans une Chine qui met la priorité sur la sortie de sa dépendance au charbon et devrait devenir le premier consommateur d’uranium d’ici à 2030. Pour l’instant, aucune mesure de radioactivité indépendante n’est effectuée sur le territoire. « Je me lave le visage et les mains dès que je rentre chez moi », confie une vieille dame sur un boulevard situé non loin du siège de Greenpeace, pas tout à fait rassurée par les annonces officielles.

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