En Birmanie, Thein Sein endosse le nouveau costume du régime

La Birmanie vient de se doter d’un huitième président. L’ancien général à la retraite Thein Sein a été promu à ce poste par un comité composé de parlementaires élus lors des élections du 7 novembre 2010 et de militaires nommés par la junte. C’est l’avant-dernière étape de la feuille de route établie par les généraux birmans en vue de procéder à une transition politique censée permettre aux civils de gouverner. Néanmoins, Thein Sein, homme-lige du numéro un de la junte Than Shwe, se prépare à évoluer dans un cadre strictement défini par les généraux. Ultime étape de la transition, la composition du prochain gouvernement fera la part belle aux anciens généraux, fidèles de Than Shwe, ayant tout récemment tombé l’uniforme pour se préparer à cette échéance.

L’homme choisi par l’assemblée émanant des élections orchestrées par la junte ne risque pas de faire de l’ombre au généralissime Than Shwe, c’est sans doute ce qui explique sa promotion à ce poste politique suprême. A 65 ans, Thein Sein a gravi jusque-là les échelons sans le moindre faux pas, au regard des critères en vogue sous le régime des généraux. Son ascension dans les rangs de l’armée commence lors des événements de 1988, avec la répression sanglante des mouvements populaires. Après la révolte conduite par les moines en août-septembre 2007 - dite « révolution safran » - il succède au général Soe Win comme Premier ministre de l’organe exécutif du Conseil pour la paix et le développement de l’Etat (le SPDC). 

Homme clef de la transition politique 

La rédaction de la Constitution de 2008, adoptée par référendum après le passage d’un cyclone dévastateur pour tout le sud de la Birmanie, s’est faite sous la supervision de Thein Sein. Il a donc œuvré de bout en bout, au bon déroulement de la feuille de route élaborée par l’un de ses prédécesseurs au poste de Premier ministre, le général Khin Nyunt, tombé en disgrâce en 2004.

L’une des étapes cruciales de ce processus a été la transformation récente de l’USDA (Association de l’Union pour la Solidarité et le Développement) - vaste réseau de citoyens fidèles au régime exerçant une surveillance de proximité visant à écraser dans l’œuf toute velléité de protestation - en un parti de plusieurs millions d’adhérents, l’USDP (Parti de l’Union pour la Paix et le Développement).

Candidat aux élections de novembre 2010 sous la bannière de ce parti, il s’est fait élire dans la division de Mandalay, circonscription de Zabuthiri. 

Visage « débonnaire » de la Birmanie à l’extérieur 

Outre ses états de service au sein de l’armée, et sa fidélité au général Than Shwe, le nouveau président dispose d’un certain capital de sympathie auprès de ses interlocuteurs asiatiques. Du moins ne leur est-il pas inconnu. Occupant le poste de Premier ministre, il a pu se rendre en Chine, à plusieurs reprises, mais aussi au Laos, au Cambodge, au Sri Lanka, en Thaïlande. Il a côtoyé ses homologues au sein des instances de l’ASEAN, où le processus de transition a reçu beaucoup plus d’applaudissements que de critiques.

Guy Lubeigt, qui l’a rencontré, le présente comme un personnage d’allure débonnaire, sans doute moins corrompu que d’autres, ne se faisant néanmoins aucune illusion sur le rôle politique qui lui sera dévolu. 

Than Shwe continuera de régner en maître 

Le nouveau président se trouve encadré par d’autres proches du généralissime Than Shwe. Tin Aung Myint Oo, ex-général lui aussi fidèle du numéro un de la junte, et Sai Mouk Kham, membre de l’ethnie Shan et cadre de l’USDP, briguaient tous deux la magistrature suprême, ils deviennent vice-présidents de l’Union.

Quant au SPDC, le Conseil pour la Paix et le Développement de l’Union, organe exécutif de la junte, il est censé laisser place à un nouvel organe pour la défense de la sécurité nationale. De là, Than Shwe continuera de diriger la Birmanie et d’imprimer son rythme à la transition politique.

L’opposition de la Ligue Nationale pour la Démocratie ayant été dissoute par la junte, les nouveaux dirigeants peuvent poursuivre sans encombre leur réforme constitutionnelle sur mesure. En maintenant un dispositif répressif fort, les dirigeants de la Birmanie se donnent les attributs d’un régime civil, espérant ainsi amadouer les pays voisins les plus embarrassés par les frasques de la junte.

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