Dans le civil, aux Etats-Unis, ils sont professeurs de statistiques ou spécialistes de l'analyse de risques. Les cinq membres de la « Red Team », tels qu'ils se sont eux-mêmes nommés, sont aujourd'hui déployés sur l'aéroport militaire de Kaboul. Cantonnés dans des bureaux, ils n'utilisent pas leurs armes. Leur mission est de réfléchir différemment. « Nous proposons au commandement de l'Otan d'autres perspectives, quitte à prendre un rôle d'avocat du diable. Nous nous posons toujours la question ' Et si ? ' », explique le lieutenant-colonel Brian Hammerness.
Issue d'un concept développé sur la base de Fort Leavenworth (Kansas), et mis en œuvre lors de la guerre en Irak, la « Red Team » tente aussi bien de développer la gouvernance que de définir une stratégie efficace contre le trafic d'opium. Elle s'interroge aussi sur l'échec de la lutte contre les rackets. « La corruption a largement augmenté depuis l'intervention de la coalition internationale. Des milliards ont été dépensés mais les procédures de contrôle n'ont pas toujours été efficaces. Mais il faut se rendre compte que les Afghans n'ont pas la même conception de la corruption que nous, Occidentaux. Le népotisme est courant ici », explique le lieutenant-colonel Michael McGee.
La « Red Team » n'hésite pas à conseiller de ne pas forcément faire renvoyer un officiel afghan coupable de corruption si celui-ci s'avère par ailleurs efficace dans l'amélioration de la sécurité. « Il faut être capable de faire des compromis », explique Michael McGee.
Améliorer la lutte contre la corruption
Pour améliorer la lutte contre la corruption, la cellule de militaires américains préconise de limiter le recours aux grands sous-traitants étrangers pour la reconstruction et de privilégier des entreprises afghanes. Le contrôle devrait, quant à lui, être assuré par de petites unités plutôt que par un organisme centralisé.
La « Red Team » tire également des enseignements de la façon dont les talibans ont pris le pouvoir, au milieu des années 1990. « A l'époque, le pouvoir était accaparé par des commandants et des chefs de guerre locaux, qui imposaient des taxes énormes et soutiraient des bakchichs. Les talibans ont dit à la population : ' Nous allons changer ça, nous représentons l'islam '. Ils se sont imposés en réglant les problèmes de la population, notamment en créant leurs propres tribunaux. Les commandants locaux ont alors perdu leur influence », explique le capitaine Jeff Mars.
Aujourd'hui, alors que le gouvernement afghan est jugé inefficace, les officiers américains estiment que l'Otan doit avertir les officiels locaux lorsque le mécontentement de la population est tel qu'il risque de la faire basculer du côté taliban. Dans le même temps, la « Red Team » encourage les forces internationales à dénoncer « l'hypocrisie » des insurgés. « Les talibans se posent en défenseurs de l'islam alors qu'ils tuent des civils et que certains extorquent de l'argent », explique Jeff Mars.