La succession en marche en Corée du Nord

Une réunion historique s'est tenue mardi 28 septembre 2010 en Corée du Nord. Il s'agit de la plus grande conférence du Parti communiste de ces trente dernières années. La dernière réunion de l'élite politique du pays a eu lieu en 1980, pour confirmer l'actuel leader Kim Jong-il à la succession de son père, Kim Il-sung, premier président de la Corée du Nord, décédé en 1994.

Ce congrès exceptionnel a été reporté à plusieurs reprises, pour finalement avoir lieu ce mardi 28 septembre 2010, à Pyongyang. Selon les analystes, le principal enjeu de la réunion serait de préparer la succession du numéro un du régime. Kim Jong-il compterait faire adouber son fils cadet Kim Jong-un, à la tête de la dernière dictature stalinienne.

Quelques heures seulement avant l'ouverture de cette conférence du Parti des travailleurs, la nouvelle est tombée. Kim Jong-il a promu son troisième fils Kim Jong-un, âgé de 28 ans, au rang de général quatre étoiles. Une promotion accordée aussi à la soeur du leader, Kim Kyoung-hui, également épouse de l'actuel numéro deux du régime, Jan Song-taek. Ces nominations confirmeraient les rumeurs sur la probable transition dynastique à la tête du pays.

Cependant, la Corée du Nord est l'un des pays les plus fermé au monde. Il est très difficile d'accéder aux informations et presque impossible de les vérifier. Toutes les informations provenant de Pyongyang sont maniées par les Occidentaux avec la plus grande prudence, y compris sur l'état de santé du président. La conférence du Parti des travailleurs est tout autant entourée de mystère. Sans parler de Kim Jong-un, personnage énigmatique dont on connaît très peu de choses.

Un parfait inconnu

Olivier Guillard, directeur de recherche Asie à l'Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS) dresse le portrait de cet inconnu du public nord-coréen : « C'est
un individu totalement inconnu des 22 millions de Nord-Coréens et du reste de la communauté internationale et dont on sait fort peu de choses, qui risque de débarquer dans le grand bain des questions politiques et militaires nord-coréennes
. Il serait âgé à peu près de 27 ans, on ne dispose d'aucune photo officielle de lui. Il a fait une partie de ses études en Europe, notamment en Suisse, a une passion pour la NBA, le championnat de basket américain et possède le standing d'un fils de diplomate étudiant en Europe. C'est donc un inconnu sans aucune expérience militaire, politique et encore moins administrative qui s'apprête probablement demain ou après-demain, en fonction de l'évolution de la santé de son père, à constituer le troisième relais de la famille Kim à diriger un pays communiste ».

De nombreux observateurs internationaux estiment qu'une troisième génération d'autocrates s'apprêterait à prendre les rênes de la Corée du Nord. Mais tous ne sont pas de cet avis. A en croire Alejandro Cao de Benos, un espagnol représentant officiellement à l'étranger le régime communiste de Corée du Nord, les rumeurs de transfert du pouvoir de Kim Jong-il à son plus jeune fils son totalement fausses.

Même si la santé de Kim Jong-il est un secret d'Etat, les services des renseignements occidentaux et sud-coréens affirment que c'est justement en raison d'une santé chancelante que le leader aurait accéléré les préparatifs autour de sa succession. Kim Jong-il a été victime en 2008 d'une attaque cérébrale et, de sources sud-coréennes, il souffrirait d'un cancer du pancréas. Kim Jong-un restera malgré tout pour le moment dans l'ombre du pouvoir, avant de parvenir un jour à la fonction suprême. Ces incertitudes inquiètent au plus haut point les voisins directs de la Corée du Nord. Explications de Tae Kyoung Ha, le président d'une association de réfugiés nord-coréens en Corée du Sud.

 

Un pouvoir en tryptique

Mais au-delà de la personne de Kim Jong-un, l'enjeu de la réunion du parti unique nord-coréen, est avant tout l'élection de l'équipe dirigeante suprême du régime. Un moment crucial puisque comme l'explique Olivier Guillard de l'IRIS, « une recomposition du pouvoir à très court terme est en train d'être menée. Une architecture du pouvoir qui comportera un représentant de la caste-famille Kim, certainement un régent, en l’occurrence un beau-frère de Kim Jong-il, Jan Song-taek qui chaperonnera le jeune Kim Jong-un jusqu'à ce qu'il atteigne une certaine maturité politique et une crédibilité auprès de sa population. Il s'appuiera sur le Politburo et le Parti des travailleurs nord-coréens ainsi que sur l'armée ».

« Ce sera, poursuit Olivier Guillard, le triptyque logique du pouvoir à venir et pour ce faire, comme dans toute réorganisation, certaines figures apparaissent et parmi les personnes récemment promues, il y a celles qui oeuvrent de près ou de loin sur le dossier du démantèlement du programme nucléaire nord-coréen et la coopération avec la communauté internationale, Etats-Unis, Chine et Corée du Sud en tête ».

Des dossiers brûlants

Le récent remaniement des plus hauts cadres du régime, confirmerait l'hypothèse d'une volonté de Pyongyang de reprendre les pourparlers à 6 (Corée du Nord, Corée du Sud, Chine, Etats-Unis, Russie et Japon) sur le dossier nucléaire nord-coréen, dialogue gelé depuis avril 2009. En effet, tous les nouveaux promus ont une responsabilité dans les pourparlers sur le démantèlement nucléaire. Une initiative de nature à satisfaire les principaux interlocuteurs de Pyongyang sur ce sujet, principalement Washington et Pékin.

Kim Jong-il se hâterait donc de préparer sa succession face à l'accumulation des dossiers complexes à gérer aussi bien à l'intérieur du pays qu'au niveau international. Entre autres, la question du désarmement du programme nucléaire, les relations avec les Etats-Unis ou l'apaisement des relations très tendues avec Séoul.

Une disparition brutale de Kim Jong-il constituerait une menace pour la survie du régime et pourrait entraîner le chaos dans le pays. Mais la menace pèse également à l’extérieur, notamment sur la Corée du Sud, la Chine et jusqu’au Japon qui craint l’afflux massif de réfugiés nord-coréens. Autant de raisons pour anticiper ce scénario.

 

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