Manœuvres et sanctions en mer du Japon : les armes de la dissuasion

La Corée du Nord a promis une « réponse musclée » en réaction à l'annonce de manœuvres militaires conjointes des Etats-Unis et de la Corée du Sud dimanche 25 juillet 2010 en mer du Japon. Le régime de Pyongyang considère ces exercices comme un acte de provocation et une menace pour la souveraineté et la sécurité de la Corée du Nord. Du côté de l'administration américaine et de la Corée du Sud, les exercices militaires et les nouvelles sanctions américaines sont un moyen d'amener Pyongyang à renoncer à son « comportement agressif ».

Le ministre américain de la Défense Robert Gates l'a annoncé mercredi 21 juillet à Séoul : les manoeuvres militaires navales et aériennes conjointes avec la Corée du Sud débuteront le 25 juillet 2010 en mer du Japon. La Chine, seule alliée de poids de la Corée du Nord, s'était opposée à des exercices en mer Jaune, qui se situe entre ses côtes et la péninsule coréenne, ce qui a entraîné le transfert partiel des manœuvres de la mer Jaune vers la mer du Japon.

Les exercices mobiliseront 8 000 soldats américains et sud-coréens, une vingtaine de navires et sous-marins, ainsi que quelque 200 avions. La Maison Blanche a insisté sur le caractère défensif de ces exercices militaires qui ont pour but d'envoyer « un message dissuasif clair » à la Corée du Nord. Le Japon s'est empressé vendredi 23 juillet d'annoncer que quatre officiers de marine japonais participeraient aux manœuvres militaires en tant qu'observateurs, une démonstration symbolique des liens étroits qui unissent les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon.

Contre-attaque nord-coréenne

Dès le lendemain de l’annonce, un porte-parole nord-coréen a décrit ces manoeuvres comme une menace à la paix mondiale. Même condamnation de la part de la Chine qui a exprimé sa profonde préoccupation tout en lançant ses propres manœuvres militaires au large de sa côte Est. La veille, Pékin avait appelé toutes les parties au calme et à la retenue.

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton qui se trouvait également mercredi 21 juillet à Séoul a mis en garde Pyongyang sur la gravité d’une nouvelle attaque contre son voisin du Sud. Clinton faisait référence au naufrage il y a quatre mois de la corvette sud-coréenne Cheonan, causé selon Séoul par une torpille nord-coréenne. Cet incident avait provoqué la mort de 46 marins, faisant monter d'un cran les tensions dans la péninsule.

Isoler Pyongyang

Pour témoigner leur soutien sans faille à la Corée du Sud, les Etats-Unis, qui comme Séoul imputent la responsabilité du naufrage de la corvette sud-coréenne à Pyongyang, sont allés encore plus loin jeudi 22 juillet en imposant de nouvelles sanctions au régime communiste, malgré la déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU le 9 juillet, qui condamnait l'attaque tout en se gardant de nommer un responsable.

Cette déclaration onusienne avait été accueillie par le régime de Pyongyang comme une victoire, puisque la Corée du Nord niait fermement et depuis le début toute implication dans cette attaque. Toutefois, une enquête menée conjointement avec Séoul et des experts internationaux, avait conclu que le naufrage de la corvette était dû à une attaque « délibérée, venant probablement du Nord ».

« Cibler le pouvoir, cibler les avoirs »

Hillary Clinton a expliqué que cette série de mesures devait aider les Etats-Unis à éviter la prolifération nucléaire. Les sanctions sont censées mettre fin aux activités illégales dont les bénéfices sont utilisés au profit des programmes d'armement. Mais il s'agit aussi d'un moyen de pression contre l'élite du régime. L'administration américaine souhaite isoler encore davantage la dictature du « Cher Leader » et persuader ses dirigeants de reprendre les discussions à six (Etats-Unis, Corée du Nord, Corée du Sud, Chine, Japon et Russie) en vue d'abandonner leur programme d'armement nucléaire. Or, selon la secrétaire d'Etat américaine, Pyongyang n'a montré jusqu'à présent aucun signe positif en ce sens.

Washington estime que la normalisation des relations avec la Corée du Nord passe forcément par le respect du droit international. Pour cela, Pyongyang devra renoncer à son attitude belliqueuse et ses provocations s'il souhaite obtenir la levée des sanctions et un traité de paix. La guerre de Corée (1950-1953) s’est terminée par un armistice, mais sans traité de paix, laissant techniquement la péninsule coréenne en état de guerre.

Négociations au point mort

Les négociations à six sont au point mort depuis 2009. La délégation nord-coréenne avait claqué la porte après un test de missile sanctionné par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Le dialogue entamé en 2003 vise à persuader le pays communiste de renoncer à ses programmes atomiques en échange d'aide et de garanties en matière de sécurité. Mais la Corée du Nord estime que les Etats-Unis devraient plutôt mettre en place des conditions pour relancer les discussions sur la dénucléarisation que de reprendre des manœuvres militaires avec son voisin du Sud.

Fin de règne à Pyongyang

Réunis à Hanoï pour la grande rencontre annuelle de l'Asean (Association des Nations d'Asie du Sud Est), les 27 chefs de la diplomatie asiatique ont abordé cette semaine les deux dossiers les plus délicats dans la région : le contentieux nucléaire nord-coréen et les ambitions nucléaires de la junte militaire birmane. Arrivée à Hanoï pour prendre part à ces discussions, Hillary Clinton a d'ailleurs fait part de l'inquiétude des Etats-Unis sur une possible coopération dans le domaine nucléaire entre les régimes de Pyongyang et de Naypidaw et a demandé aux ministres des Affaires étrangères asiatiques d'appliquer des sanctions à l'égard de la Corée du Nord

La montée de la tension régionale intervient dans un contexte d’instabilité politique interne, alors que se pose la question de la succession du numéro un nord-coréen Kim Jong-il. Outre le torpillage de la corvette sud-coréenne et la mort de 46 marins.
L’état de santé de Kim Jong-il, âgé de 68 ans, est précaire. Sa dernière apparition publique date du début de l'année 2009. Selon différentes sources, c'est Kim Jong-un, son fils cadet, qui lui succèdera à la tête de la seule dynastie communiste du monde.

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