Arghandab, l'enfer afghan des bombes artisanales

Dans cette vallée de la province de Kandahar, dans le sud de l'Afghanistan, les talibans posent sans cesse des explosifs artisanaux. Chaque jour, les soldats américains du 508e régiment du 82e Airborne patrouillent pour déminer le terrain. En moins de dix mois, cinq d'entre eux ont été tués et plus de soixante blessés. Un bilan qui fait du district d'Arghandab le plus dangereux du sud afghan.

Mohibullah, un sergent afghan de 22 ans, a senti que quelque chose n'allait pas : le sol était trop mou. Le soldat a reculé et crié : « Mine ! Il y a une mine, juste ici ! ». Un militaire américain s'est allongé dans la poussière du sentier qui mène au village de Bibi Hawa. Il a sorti une tige métallique et lentement sondé le sol à côté de l'empreinte de pas de Mohibullah. A quelques centimètres de profondeur, il a découvert le bord d'un bidon jaune d'huile de cuisine. Un récipient couramment utilisé par les talibans qui le remplissent de nitrate d'ammonium, un explosif artisanal. « On vient juste de marcher dessus », soupire le sergent Richard Mercer.

Comme ce lundi 7 juin, les soldats de la compagnie Bravo et leurs homologues de l'armée afghane partent chaque jour en patrouille pour déminer vergers et sentiers. Et presque chaque jour ils trouvent des bombes artisanales. Sur la seule matinée du 7 juin, ils en découvriront neuf, toutes dans un rayon de moins de deux kilomètres de leur base.

De fausses bombes

Au bout d'une heure et demi, l'équipe de démineurs a fini de déterrer le bidon d'huile de cuisine. Mais à l'intérieur, il n'y a que des cailloux. La bombe était donc un leurre, destiné à immobiliser les soldats sur le sentier. Les démineurs ne tardent pas à découvrir un fil qui court le long d'un mur. Une autre bombe, réelle celle-là, de plusieurs dizaines de kilos, est enfouie dans le champ voisin. « Nous avons eu de la chance d'être aussi matinaux. Celui qui devait la déclencher n'était probablement pas réveillé. Il est probable que la bombe a été installée cette nuit », explique le sergent Mercer.

Les talibans actifs dans le district d'Arghandab sont inventifs. Ils changent sans cesse de matériels et de méthodes. « Nous avons vu un peu de tout dans notre zone d'opération. La principale menace vient des mines antipersonnel reliées à des bidons d'explosifs artisanaux. Nous avons trouvé des mines d'origine chinoise, russe, italienne et d'autres qui sont des reproductions, faites dans un pays du tiers monde. Ils peuvent les commander dans des usines au Pakistan ou ailleurs et se faire livrer ici. Il y a d'autres types de matériels, dont certains à commande filaire. Nous voyons aussi des mines Claymore et d'autres qui sont totalement artisanales », explique le capitaine Donald Huskey, qui commande la compagnie Bravo.

L'oeuvre de talibans fantômes

Face aux militaires américains, il n'y aurait, selon les forces de sécurité afghanes, que quelques dizaines de talibans. Les soldats les comparent à des fantômes. « Je suis déployé ici depuis le mois de décembre, je n'ai jamais vu quelqu'un installer une mine. Quiconque se déplace la nuit est considéré comme suspect. Mais, nous ne voyons jamais personne circuler la nuit. Les bombes artisanales sont sûrement posées durant la journée. Les talibans se déplacent dans les champs comme s'ils étaient des fermiers », indique le sergent Hoeksema.

Comme ailleurs dans le pays, la stratégie de sortie de l'armée américaine passe par le renforcement du gouvernement local. Abdul Jabbar, 68 ans, semblait être l'homme providentiel. Volontaire, cet ancien moujahidine avait été nommé gouverneur du district d'Arghandab. Il organisait les chouras, les assemblées de notables, et les comités de sécurité.

Les habitants d'Arghandab semblaient lui faire confiance. Ils n'hésitaient pas à le rencontrer pour lui soumettre des projets de développement ou régler des problèmes entre propriétaires de terrains. Mais le 15 juin, Abdul Jabbar a été assassiné, avec son fils, alors qu'il circulait en voiture dans le centre de Kandahar.
 

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